Giraudoux Jean – La Folle de Chaillot

Mais le conte est grinçant car c’est bien deux mondes qui s’y affrontent. L’ancien avec sa variété et son désordre, celui où« les gens que vous rencontriez étaient comme vous. Ils étaient mieux vêtus ou plus sales, contents ou en colère, pingres ou généreux, mais comme vous. » Et le nouveau, celui des hommes à l’expression mortifère, qui n’ont aucun métier si ce n’est de se passer « des billets de cinq mille » et de regarder le travail des autres, des hommes pour lesquels seul compte la puissance et l’or, avides de « ce qu’on fait avec du pétrole. De la misère. De la guerre. De la laideur. Un monde misérable. ».
Dans la description d’un monde dominé par la finance, Giraudoux a des accents prophétiques.« La seule condition d’un monde vraiment moderne : c’est un type unique du travailleur, le même visage, les mêmes vêtements, les mêmes gestes et paroles pour chaque travailleur » nous renvoie à l’uniformisation des processus dans le monde du travail ainsi que des modes dans notre culture moderne. Ou le contrôle : « Maintenant tout ce qui se mange, tout ce qui se voit, tout ce qui s’entreprend, […] on dirait qu’ils ont un mec, qui les met sur le trottoir, et les surveille, sans rien faire. Alors le monde est plein de mecs. Ils mènent tout, ils gâtent tout. Voyez les commerçants. Ils ne vous sourient plus. Ils n’ont d’attention que pour eux [ …] Vous pouvez tolérer cela, un monde où […] l’on ne soit pas son maître ! » Contre cette « modernité », Giraudoux détient pourtant l’arme absolue : leur « pouvoir expire là où subsiste la pauvreté joyeuse, la domesticité méprisante et frondeuse, la folie respectée et adulée ».

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