Trois nouvelles publiées en 1883 plutôt sombres de couleur…
Dans La Fille garçon, le poète-romancier évoque le souvenir de sa camarade Antoinette à 16 ans « Elle était extraordinaire. Ce qu’on ignore, elle le savait ; ce qu’on chuchote, elle le criait. Tous les cynismes de parole : un matin elle m’appela du haut de l’escalier : « Conçois-tu cela ? ma mère vient de renvoyer cette pauvre Mariette, parce que le cocher lui a fait un enfant ! » (ce passage est cité parce qu’il a son importance dans la conclusion de la nouvelle)
La Tueuse d’écho est la confession d’une prostituée cherchant l’oubli dans l’absinthe. Le titre se justifie ainsi : « Voilà pourquoi je bois autant que je puis. L’absinthe enroue, le genièvre aussi. Après avoir bu, je n’ai plus le son de parole que j’avais dans le temps. Et, à force d’avaler tout ce qui sèche et brûle la gorge, j’espère bien arriver à ne jamais plus entendre, quand je tire le bras aux hommes de la rue, la voix douce dont j’appelais maman et dont je disais que je l’aimais à mon premier amoureux. »
L’enchaînement est facile avec Le Mangeur de rêve, condamnation de la drogue et de ses ravages :
« O délicieuse et sinistre drogue ! que tu sois la pâte épaisse, pesante, qui s’agglutine, ou que tu te dérobe, quintessenciée, sous l’argent des pilules, – dawamesk ou haschichine, – tu es terrible, Haschich !
Oui, tu es adorable ; oui, tu donnes la langueur exquise ou la joie effrénée, la paix, comme Dieu, l’orgueil, comme Satan ; oui, par toi, l’on oublie ! Hors des médiocrités de la vie réelle, loin de la sottise rampante et des devoirs étroits, l’homme par toi s’élève, avec les ailes de la délivrance, dans les chimères et dans les victoires. Tu es la fausse clé du paradis ! [...] Hélas ! tu es un bourreau subtil. À force d’exaspérer les forces vives des cœurs et des esprits, tu les brises, ces cœurs, tu les tues, ces esprits. Rien de ce qui doit être aimé ne semble plus digne de l’être, rien de ce qui peut être rêvé ne paraît plus digne d’une pensée. »