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jeudi 10 novembre 2016

Louise Michel : louve et agneau (1830-1905) !

    Louise Michel : louve et agneau (1830-1905)   


"Vierge rouge" ou "louve noire", Louise Michel a longtemps suscité les fantasmes et continue de diviser les spécialistes. A-t-elle contribué à écrire sa propre légende? Les publications récentes nous éclairent sur cette révolutionnaire mystique entrée en lutte comme on entre en religion.


L’affaire semble entendue : Louise Michel, c’est l’icône de la Commune, c’est une Marianne, s’élevant au-dessus des barricades, prête à tout pour défendre la Liberté et la Révolution sociale.
Longtemps, l’historiographie officielle n’a retenu d’elle que l’image d’une anarchiste forcenée, d’une révolutionnaire sanguinaire, d’une mystique entrée en lutte comme on entre en religion, d’une « presque Jeanne d’Arc » (comme aimait à l’appeler Verlaine), d’une femme passionnée, possédée même diront certains.
L’Histoire, comme toujours écrite par les vainqueurs, fit de Louise Michel une « vierge rouge », une « louve noire », un objet de fantasme tant admiré que redouté. Sa supposée virginité, ses travestissements, son comportement hors-norme lui ont valu railleries et critiques acerbes. Son tempérament jusqu’au-boutiste et son obstination à ne jamais transiger sur ses idéaux lui ont valu de nombreux ennemis, y compris dans son camp politique et jusque dans sa propre famille.
Pourtant, force est de constater que Louise Michel ne joua dans la Commune de Paris qu’un rôle marginal. La redécouverte de ses écrits dévoile moins une combattante qu’une femme de lettres qui mit toute son énergie et son œuvre au service de ses convictions politiques et de leur transmission aux générations futures. Bien avant que ne débute la Commune, l’institutrice Louise Michel était déjà convaincue que la Révolution devait passer par l’Education. Bien après l’écrasement de la Commune, l’écrivaine Louise Michel utilisa sa plume comme une arme pour encourager la jeunesse à ne jamais renoncer à l’idéal révolutionnaire.
Faire le portrait de Louise Michel sans tomber dans la caricature, comprendre comment s’est forgée sa légende sans verser dans le mythe : telle est l’ambition de ce documentaire.
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1966 : Les Cathares reviennent !

                1966 : Les Cathares reviennent              

En 1999, ce documentaire d'Emmanuel Laurentin pour "L'Histoire en direct", entre histoire et mémoire, tentait de comprendre comment le mythe cathare s'était reconstruit dans les années 60 à la suite de l'émission "La Caméra explore le temps".


"1966 : les Cathares reviennent" est le titre de l'émission "L'Histoire en direct" diffusée le 7 juin 1999. Ce jour-là, Emmanuel Laurentin revenait sur une autre célèbre émission, "La Caméra explore le temps", et le dernier numéro de ce programme très populaire d'Alain Decaux. Son sujet : les Cathares. Pour la plupart des téléspectateurs ce sujet était inconnu, mais l'arrêt brusque de l'émission de Stellio Lorenzi, Alain Decaux et André Castelot, par le pouvoir gaulliste, allait faire du thème des cathares un thème à la mode. Des téléspectateurs, réunis en télé -clubs dans des salles municipales, allaient découvrir une partie de leur histoire, sanglante et oubliée : la croisade contre les Albigeois.
Ce documentaire de "L'Histoire en direct", entre histoire et mémoire, va tenter de comprendre comment le mythe cathare s'est reconstruit dans les années 60 à la suite de l'émission "La Caméra explore le temps".
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Histoire du Second Empire (2/4) !

               Histoire du Second Empire (2/4)             

Un soir chez Morny, le bal masqué du 2 mars 1859
Deuxième épisode de la série consacrée à l'histoire du Second Empire, aujourd'hui le documentaire d'Anaïs Kien réalisé par Françoise Camar.

Sous le Second Empire, on organise de nombreux bals. Naissances, mariage, fêtes publiques ou privés, tous les prétextes sont bons. Et pour casser la routine on se déguise en as de pique ou en Marie-Antoinette, les vêtements du quotidien d’hier deviennent les costumes d’aujourd’hui. Si vous êtes suffisamment bien dissimulés par votre personnage de location, il y a moyen d’y trouver certaines libertés. On peut raconter le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte et la Commune qui réduit en cendres son palais impérial, mais comment restituer une soirée festive vieille de 150 ans, son effervescence, ses croisements, ses regards plus ou moins distants, les complots majeurs ou minuscules à l’ombre des velours, son ivresse, tous ces moments fugaces propre à chaque soirée ? A la recherche de la mémoire perdue du bal masqué, Un soir chez Morny, nous sommes le 2 mars 1859, à l'entrée de l'hôtel de Lassaye, près de l’Assemblée nationale.

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Histoire du Second Empire (1/4) !


              Histoire du Second Empire (1/4)              

La fête impériale. Quatre épisodes consacrés à l'histoire du Second Empire, entre 1852 et 1870. En quelques années la France, grâce à des nouvelles inventions fait son entrée dans la modernité.




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De la prostitution sacrée à l'esclavage sexuel !


De la prostitution sacrée à 

l'esclavage sexuel


La prostitution caractérise pour une femme le fait de louer son corps. Cette activité peut devenir aussi une forme d'esclavage lorsqu'une autre personne, le proxénète, s'en approprie les profits.
L'Histoire nous la montre sous ses différents aspects, parfois luxe et liberté, plus souvent misère et oppression.
Maison close en 1930 (DR)

Prostitution sacrée

La prostitution est évoquée dans le premier livre de la Bible, qui raconte comment Juda, fils de Jacob et frère de Joseph, se laissa séduire par sa belle-fille déguisée en prostituée (Genèse 38, 15).
Ishtar, déesse sumérienne de la fécondité (terre cuite, Ershunna, IIe millénaire av. J.-C., musée du Louvre, Paris)Elle l'est aussi dans un texte mésopotamien beaucoup plus ancien, l'épopée de Gilgamesh, ce qui pourrait justifier sa qualification de « plus vieux métier du monde ».
La Mésopotamie, lieu de naissance des villes, de l'agriculture, de l'écriture, de l'astronomie et de bien d'autres choses encore, peut se flatter d'avoir également inventé la prostitution !
Liée aux cultes de la fécondité, elle est pratiquée à Babylone dans le temple de la déesse Ishtar par des jeunes filles éduquées à cet effet dès leur plus jeune âge, initiées à la musique, au chant et à la danse. Leur activité pourvoit aux besoins du temple et leur vaut estime et respect. (...)
Devadasi dans un temple hindou (XIXe siècle)Mais la prostitution sacrée est connue aussi en d'autres lieux, y compris à Corinthe, dans le temple d'Aphrodite, et à Jérusalem où elle est abolie vers 640 av. J.-C. par le roi Josias, lequel impose par la même occasion le monothéisme.
Elle se rencontre également au sud de l'Inde où, du VIIe siècle de notre ère à l'occupation anglaise, les danses et le sexe sont associés à certains dieux. Comme à Babylone, les temples hindous ont à leur service des bayadères (danseuses sacrées) et des devadasi (« servantes de dieu ») aux mœurs très libres.
Si les religions panthéistes s'accommodent volontiers de la prostitution, il n'en va pas de même des religions monothéistes, qui la tiennent à distance et la réprouvent : « Il n'y aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d'Israël, ni de prostitué sacré parmi les fils d'Israël » (Deutéronome 23, 18).
Les Évangiles soulignent toutefois la compassion du Christ pour les prostituées que méprisent les bien-pensants, autrement dit les pharisiens. (...)
Fête dans la maison de Simon le Pharisien (Pierre Paul Rubens, 1618, Musée de l'Ermitage, Saint Petersbourg)

Prostitution profane

Avec les courtisanes des cités grecques, il n'est plus question de sacré. Ces hétaïres ou « compagnes » tiennent salon et fréquentent la haute société. Certaines acquièrent de belles fortunes. L'une d'elles, Aspasie de Milet, a même l'insigne honneur de devenir la compagne de Périclès et de disserter avec Socrate.
Le billet doux (François Clouet, 1570, musée du Prado, Madrid)Nous pouvons rapprocher ces femmes des courtisanes qui peuplent les cités italiennes de la Renaissance et surtout Venise, où l'on en compte une dizaine de milliers au XVIe siècle.
Elles s'offrent le luxe de choisir leurs amants et de fixer leur prix et font les délices des riches voyageurs de passage, des magistrats de la Sérénissime République ainsi que des artistes comme Le Titien (la Vénus d'Urbino).
Madame de Loynes (1837-1885) (Eugène Amaury-Duval, 1863, musée d'Orsay, Paris)La tradition se perpétue, quoiqu'à une échelle moindre, dans les salons parisiens du XVIIe siècle, avec des femmes aussi sensuelles que spirituelles comme Marion de Lorme et Ninon de Lenclos.
La littérature française leur doit beaucoup car elles ont aiguillonné ou materné la plupart des auteurs classiques de ce Grand Siècle, de Corneille à La Fontaine.
Avec l'esprit en plus, ces femmes ne sont guère différentes des « cocottes » ou  « grandes horizontales » de la Belle Époque« la belle Otéro », Liane de Pougy ou encore Émilienne d'Alençon.
Conscientes de la brièveté de la jeunesse, ces demi-mondaines aspirent à faire un beau mariage et se ranger, à l'image de Marie-Anne Detourbay devenue comtesse de Loynes (...).


Le génocide arménien !

           Le génocide arménien              



Le samedi 24 avril 1915, à Constantinople, capitale de l'empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide, le premier du XXe siècle.
Il va faire environ 1,2 à 1,5 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc (ainsi que plus de 250 000 dans la minorité assyro-chaldéenne des provinces orientales et 350 000 chez les Pontiques, orthodoxes hellénophones de la province du Pont).
Jeunes filles arméniennes d'Anatolie en 1910 (Source : Comité de Défense de la Cause Arménienne)

Un empire composite

Aux premiers siècles de son existence, l'empire ottoman comptait encore une majorité de chrétiens (Slaves, Grecs, Arméniens, Caucasiens, Assyriens....). En Anatolie, au coeur de la Turquie actuelle, les chrétiens représentaient 30% à 40% de la population. Ils jouaient un grand rôle dans le commerce et l'administration, et leur influence s'étendait au Sérail, le palais du sultan.
Ces « protégés » (dhimmis en arabe coranique) étaient du fait de ce statut de subordination soumis à de lourds impôts ; ils avaient l'interdiction de porter les armes et de posséder un cheval, ce qui les mettait dans l'incapacité de se défendre ; il ne pouvaient plaider en justice contre un musulman qui les aurait dépouillés ou violentés !
Les premiers sultans, souvent nés d'une mère chrétienne, témoignaient néanmoins d'une relative bienveillance à l'égard des Grecs orthodoxes et des Arméniens monophysites.
Ces derniers étaient surtout établis dans l'ancien royaume d'Arménie, au pied du Caucase, premier royaume de l'Histoire à s'être rallié au christianisme ! Ils étaient majoritaires aussi en Cilicie, une province du sud-ouest de l'Asie mineure que l'on appelait parfois « Petite-Arménie ». On en retrouvait à Istamboul ainsi que dans les villes libanaises et à Jérusalem.
L'empire ottoman comptait environ 2 millions d'Arméniens à la fin du XIXe siècle sur une population totale de 36 millions d'habitants.

Ébauche de génocide

Malgré une tentative de modernisation par le haut, dans la période du Tanzimat, de 1839 à 1876, l'empire ottoman entre dans une décadence accélérée. Le sultan Abdul-Hamid II, humilié par le congrès de Berlin de 1878, attise les haines religieuses pour consolider son pouvoir (les derniers tsars de Russie font de même dans leur empire).
Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200 000 à 250 000 avec le concours des montagnards kurdes. À Constantinople même, la violence se déchaîne contre les Arméniens du grand bazar, tués à coups de baton.
Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques milliers convertis de force. Des centaines d'églises sont brûlées ou transformées en mosquées. Rien qu'en juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés de la carte.
Ces massacres planifiés ont déjà un avant-goût de génocide. Mais le « Sultan rouge »fait le maximum pour dissimuler son forfait et paie la presse européenne pour qu'elle fasse silence sur les massacres.
Abdul-Hamid II joue par ailleurs la carte de chef spirituel de tous les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II.
Malgré ses efforts, il ne peut empêcher l'insurrection des « Jeunes-Turcs »Ces jeunes officiers, à l'origine du sentiment national turc, lui reprochent de livrer l'empire aux appétits étrangers et de montrer trop de complaisance pour les Arabes.
Enver Pacha (22 novembre 1881 - 4 août 1922)Le 27 avril 1909, les Jeunes-Turcs installent sur le trône un nouveau sultan, Mohamed V, sous l'étroite surveillance d'un Comité Union et Progrès (CUP, en turc Ittihad) dirigé par Enver pacha (27 ans).
Soucieux de créer une nation turque racialement homogène, ils multiplient les exactions contre les Arméniens d'Asie mineure dès leur prise de pouvoir. On compte ainsi 20 000 à 30 000 morts à Adana (Cilicie) le 1er avril 1909...
Ils lancent des campagnes de boycott des commerces tenus par des Grecs, des Juifs ou des Arméniens, en s'appuyant sur le ressentiment et la haine des musulmans turcs refoulés des Balkans.
Ils réécrivent l'Histoire en occultant la période ottomane, trop peu turque à leur goût, et en rattachant la race turque aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila, voire aux Hittites de la haute Antiquité.


La Turquie dans la guerre de 1914-1918

Le 1er novembre 1914, l'empire ottoman entre dans la Grande Guerre aux côtés des Puissances centrales, les empires allemand et austro-hongrois,  contre la Russie et les Occidentaux.
Les Turcs tentent de soulever en leur faveur les Arméniens de Russie. Mal leur en prend... Bien qu'en nombre supérieur, ils sont défaits par les Russes à Sarikamish le 29 décembre 1914.
L'empire ottoman est envahi. L'armée turque perd 100 000 hommes. Dans l'hiver 1914, elle bat en retraite et, exaspérée, multiplie les violences à l'égard des chrétiensdans les territoires qu'elle traverse, qu'ils soient Arméniens, Assyro-Chaldéens ou Pontiques (grecs orthodoxes de la province du Pont, sur la mer Noire).
Par ailleurs, malgré le comportement exemplaire des 120 000 soldats arméniens de l'armée ottomane (on a ainsi compté moins de désertions dans leurs rangs que chez leurs homologues turcs), Enver Pacha ordonne dès février 1915 qu'ils soient retirés du front, désarmés et affectés à l'arrière à des bataillons de travail.
Dans les semaines qui vont suivre, ils vont être systématiquement exécutés
Dans ces conditions, les Russes n'ont guère de mal à retourner en leur faveur les Arméniens mais aussi les Assyro-Chaldéens des provinces orientales de la Turquie.
Le 7 avril 1915, la ville de Van, à l'est de la Turquie, se soulève et proclame un gouvernement arménien autonome.
Dans le même temps, à l'initiative du Lord britannique de l'Amirauté, un certain Winston Churchill, les Français et les Britanniques préparent un débarquement dans le détroit des Dardanelles en vue de se saisir de Constantinople.
Pendaison des notables arméniens de Constantinople par la police ottomane le 24 avril 1915 (Source : Comité de Défense de la Cause Arménienne)

Le génocide

Les Jeunes-Turcs profitent des troubles pour accomplir leur dessein d'éliminer la totalité des Arméniens et des Assyro-Chaldéens de l'Asie mineure, une région qu'ils considèrent comme le foyer national exclusif du peuple turc. Ils procèdent avec méthode et brutalité.
Le ministre de l'Intérieur Talaat Pacha ordonne l'assassinat des élites arméniennes de la capitale. C'est ensuite le tour des nombreuses populations arméniennes des sept provinces orientales (les Arméniens des provinces arabophones du Liban et de Jérusalem ne seront jamais inquiétés).
Dans un premier temps, les agents du gouvernement rassemblent les hommes de moins de 20 ans et de plus de 45 ans et les éloignent de leur région natale pour leur faire accomplir des travaux épuisants. Beaucoup d'hommes sont aussi tués sur place.
- 1915 : déportations meurtrières



Dans une première étape, l'objectif officiel est de déplacer les Arméniens et autres chrétiens des provinces orientales d'Anatolie vers Alep et des camps installés dans le désert de Syrie. La « Loi provisoire de déportation » du 27 mai 1915 fixe le cadre réglementaire de la déportation des survivants ainsi que de la spoliation des victimes.
Dans les villages qui ont été quelques semaines plus tôt privés de leurs notables et de leurs jeunes gens, militaires et gendarmes ont toute facilité à réunir les femmes et les enfants. Ces malheureux sont réunis en longs convois et déportés vers Deir ez-Zor, sur l'Euphrate, une région désertique de la Syrie ottomane.
Les marches se déroulent sous le soleil de l'été, dans des conditions épouvantables, sans vivres et sans eau, sous la menace constante des montagnards kurdes et tcherkesses. Elles débouchent en général sur une mort rapide.
Déportation de villageois arméniens par la police ottomane (1915)

Survivent toutefois une centaine de milliers de jeunes femmes ou d'adolescentes (parmi les plus jolies) ; celles-là sont enlevées par les Turcs ou les Kurdes pour être vendues comme esclaves ou converties de force à l'islam et mariées à des familiers (en ce début du XXIe siècle, beaucoup de Turcs sont troublés de découvrir qu'ils descendent ainsi d'une chrétienne d'Arménie arrachée à sa famille et à sa culture).
En septembre, après les habitants des provinces orientales, vient le tour des Arméniens de Cilicie. Ils sont aussi convoyés vers le désert de Syrie dans des wagons à bestiaux puis transférés dans des camps de concentration en zone désertique où ils ne tardent pas à succomber à leur tour, loin des regards indiscrets.
Au total disparaissent pendant l'été 1915 les deux tiers de la population arménienne sous souveraineté ottomane. Ajoutons à cela la disparition des Assyro-Chaldéens des provinces orientales de Diarbékir, Erzeroum et Bitlis, généralement associés à leurs voisins arméniens dans les déportations et les massacres.
- 1916 : massacres de masse



Dans une ultime phase, le gouvernement turc décide de liquider, de toutes les manières possibles, les 700 000 malheureux qui ont survécu aux marches de la mort et sont parquées dans les camps de Syrie.
Voici le texte d'un télégramme transmis par le ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d'Alep : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici ».
Seules vont subsister les communautés arméniennes de Smyrne, d'Istamboul et du Proche-Orient, trop en vue des diplomates occidentaux, ainsi que les communautés assyro-chaldéennes de Mésopotamie, trop éloignées.
Orphelins arméniens (photo: Armin Wegner)

Les Européens et le génocide

En Occident, les informations sur le génocide émeuvent l'opinion mais le sultan se justifie en arguant de la nécessité de déplacer les populations pour des raisons militaires !
Le gouvernement allemand, allié de la Turquie, censure les informations sur le génocide. L'Allemagne entretient en Turquie, pendant le conflit, une mission militaire très importante (jusqu'à 12 000 hommes). Et après la guerre, c'est en Allemagne que se réfugient les responsables du génocide, y compris Talaat Pacha. Ce dernier est assassiné à Berlin le 16 mars 1921 par un jeune Arménien, Soghomon Tehlirian. Mais l'assassin sera acquitté par la justice allemande.
Le traité de Sèvres signé le 10 août 1920 entre les Alliés et le nouveau gouvernement de l'empire ottoman prévoit la mise en jugement des responsables du génocide. Mais le sursaut nationaliste du général Moustafa Kémal bouscule ces bonnes résolutions. 
D'abord favorable à ce que soient punis les responsables de la défaite et du génocide, Moustafa Kémal se ravise car il a besoin de ressouder la nation turque face aux Grecs et aux Occidentaux qui menacent sa souveraineté. Il décrète une amnistie générale, le 31 mars 1923.
La même année, le général parachève la « turcisation » de la Turquie en expulsant les Grecs qui y vivaient depuis la haute Antiquité. Istamboul, ville aux deux-tiers chrétienne en 1914, devient dès lors exclusivement turque et musulmane.
À la vérité, c'est seulement dans les années 1980 que l'opinion publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide, à l'instigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième génération, dont certains n'ont pas hésité à recourir à des attentats contre les intérêts turcs.


ALSACE, ANNÉE ZÉRO !

                    ALSACE, ANNÉE ZÉRO                  




CONTEXTE HISTORIQUE
L’une des images de la « Libération » de l’Alsace. 

A partir de 1944, la reconquête et la Libération du territoire français s’accompagnent de la production et de l’émission d’un grand nombre d’images des combats et des succès alliés. Réalisés par des particuliers présents sur place, par des journalistes accompagnant les troupes ou encore directement par des militaires, les clichés et les films immortalisent des scènes de toute nature, qui peuvent concerner les soldats, les paysages (ruraux ou urbains), mais également les civils. Autant d’images souvent fortes qui, à l’instar de Enfants français jouant avec des armes laissées par l'armée allemande lors de leur retraite, montrent un monde en plein bouleversement et ancrent autant de représentations de ce grand moment historique dans les consciences des contemporains. 

Prise à Oberhoffen (Alsace du Nord) juste après les très rudes combats qui ont vu les troupes américaines reprendre le bourg le 9 décembre 1944, cette photographie saisit ainsi presque sur le vif une image de la « suite » immédiate de ces opérations militaires qui ont entraîné la retraite de l’armée nazie. 

Si l’auteur de cette photographie reste inconnu, de même que la nature, la diffusion du cliché et l’écho qu’il a pu rencontrer, elle possède en tout cas une valeur esthétique et symbolique indéniable venant étoffer singulièrement sa première fonction d’image-témoin.
ANALYSE DES IMAGES
Une scène de chaos 

Cette photographie représente une scène bien réelle, captée dans le concret de l’instant, mais avec un sens de la dramaturgie et un parti pris esthétique significatifs. 

Accroupis au centre de l’image, un jeune garçon et une jeune fille blonds, vêtus d’habits assez sales comme le sont leurs visages, « jouent » avec les quelques armes, casques et munitions abandonnés, ici réunis en un tas désordonné. Pour plus de proximité et d’implication du spectateur, la photographie est prise à hauteur des deux personnages livrés à eux-mêmes dans ce paysage de guerre et de chaos. La jeunesse, la blondeur, l’innocence et l’insouciance de ces deux enfants ainsi que la douceur de leur attitude contrastent de manière saisissante avec le cadre où cette action improbable se déroule, soulignant encore la force de cette représentation. 

En effet, tout est ruines, dans cet espace clôt et oppressant bordé par le mur partiellement détruit d’un bâtiment en arrière plan. Ici, dans cette cour jonchée de gravats comme d’objets du quotidien qui n’en sont plus (la brouette au centre, les masses de bois sur la gauche) et où les deux seules « ouvertures » (porte et fenêtre donnant à l’intérieur de l’habitation) ne montrent qu’un espace sombre évoquant le néant et la destruction, l’attention se porte naturellement sur ces deux jeunes êtres laissés seuls et sans adultes.
INTERPRÉTATION
Un monde à reconstruire 

Lancée en novembre 1944, la première Libération de l’Alsace (celle-ci n’étant totalement effective qu’en mars 1945 après un repli allié et une contre attaque allemande) fut difficile. Si Strasbourg est reprise dans un premier temps le 23 novembre, la partie septentrionale de l’Alsace est la dernière à être reconquise, avec de grandes difficultés liées à la topographie, au climat et à la détermination des troupes nazies. Elles sont en effet prêtes à défendre avec ardeur la première région « allemande » (l’Alsace étant intégrée au Reich) en jeu sur le front Ouest. Ainsi, à Oberhoffen, la présence d’un camp militaire a encore compliqué les opérations et durci les affrontements, ce que montre sans équivoque le paysage désolé de la photographie. Un paysage de défaite (ou de victoire) aussi, laissé comme tel par d’anciens dominants dont les armes n’ont plus le même usage. 

Dans l’après combat presque immédiat, les deux enfants sont livrés à eux-mêmes sans surveillance ni protection, signe que le temps et les normes sont ici comme suspendus. Le chaos est palpable, total, oppressant. Il suggère une année zéro, un moment presque irréel où tout est à recommencer, à rétablir. Cette image ose ainsi la représentation peu commune d’un aspect particulier de la Libération et se distingue des images de liesse ou de victoire en marche plus abordables pour le spectateur. 

À la faveur du parti pris esthétique et symbolique choisi par le photographe, on peut ainsi évoquer la difficile reconstruction d’un monde habitable (sur les plans matériel et spirituel). Plongés dans une situation improbable, les deux enfants du cliché suggèrent tout autant la jeunesse, le début, l’innocence, le danger ou encore le traumatisme, devenant malgré eux des métaphores des enjeux et des problématiques liés à l’immédiat l’après-guerre.


RÉSEAUX SOCIAUX : "Cliquez, vous êtes fichés" !

 RÉSEAUX SOCIAUX : "Cliquez, vous êtes fichés" 




Cliquez, vous êtes fichés !, est un reportage (0h12) de France 24 suivi d'une interview de Christophe-A. Paillard, ancien Directeur de la CNIL, sur le fichage des données personnelles des citoyens à travers le monde par les réseaux sociaux.

Autrefois, la police fichait les criminels, les délinquants, les artistes et les homosexuels. Aujourd’hui, le plus grand fichier est totalement ouvert. Ce ne sont plus les policiers qui le remplisse mais nous-mêmes, en surfant sur les réseaux sociaux.
Le Journal de l’Intelligence économique d’Ali Laïdi a enquêté dans le monde internet du fichage des citoyens.
Jean Cocteau, Pablo Picasso, Joséphine Baker ou Adolphe Hitler..., tous épinglés au fichier central du Ministère de l’Intérieur français. Les raisons sont qu'ils étaient homosexuels, étrangers ou activistes politiques. Bref, aux yeux de la police, tous suspects, comme les criminels, les prostitués et les vagabonds.
Leurs fiches, les Archives Nationales à Paris les ont présentées au public le temps d’une exposition "Tous fichés" à l’automne 2011. Le temps de constater que le fichage des criminels s’est vite élargi à l’ensemble des citoyens.
L’objectif de l'Etat, c’est le contrôle des masses, et les nouvelles technologies lui facilitent le travail puisqu’il s’agit désormais du fichage informatique universel. Empreintes digitales, iris et même notre ADN sont stockés sur des puces.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la biométrie est le nouveau bras armé du fichage. Pour le co-organisateur de l’exposition, c'est une solution hi-tech un peu magique mise en avant par les pouvoirs publics pour résoudre les problèmes de sécurité que ce soit le terrorisme, l'immigration clandestine ou les problèmes de fraude.
Dans cette frénésie sécuritaire, chaque citoyen devient un suspect potentiel, d'où les menaces sur nos libertés et notre sécurité.
Christophe-Alexandre Paillard, ancien Directeur de la CNIL, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, nous rappelle d’ailleurs l’intrusion qu'avait faite Google Street View dans la vie de millions d’individus. En effet, en prenant des photos des rues du monde, le logiciel avait, au passage, capter toutes les données passant sur les bandes WIFI à ce moment là. Numéros de vos cartes bancaires, téléchargements de fichiers…, tout était passé entre les mains de la célèbre entreprise américaine !
Détournement de fichiers, utilisation abusive des données personnelles, espionnage..., il reste qu’aujourd'hui, Big Brother s’appelle Facebook. Le réseau social aux centaines de millions d’utilisateurs est devenu le plus grand fichier du monde. Alors, certains tirent la sonnette d’alarme.
Max Schrems est un étudiant autrichien. Il a demandé à Facebook toutes les informations que le site détient sur lui. Il a reçu une pile de 1200 pages de données. Certaines de ces informations viennent de lui, mais la plupart, c'est Facebook qui les a rassemblées sans lui demander son autorisation. Du coup, Max a déposé plainte contre le site pour violation de la vie privée.
Bref, Facebook nous suit partout ! Et mieux que la CIA ou l’ex KGB ! Finalement, il s’agit d’un contrôle que les États aimeraient bien partager, d’où leur réticence à poursuivre le célèbre site. Et selon Max, c’est même auprès de Facebook que les Etats feraient des demandes d’informations !
Facebook, mieux renseigné que les services secrets ? Une chose est sûre, les internautes nourrissent eux-mêmes Big Brother. Alors cliquez… Vous êtes fichés !
(france24.com/)


L'ESCLAVAGE DU XXIème SIÈCLE : De la servitude moderne !

 L'ESCLAVAGE DU XXIème SIÈCLE : De la servitude moderne 

 
De la servitude moderne, est un documentaire (0h52) de l'émission Infrarouge, qui dénonce les conditions "esclavagistes" de l'homme moderne face au monopole et à l'influence des grandes banques, des industries et des élites et gouvernements sur les populations du monde.
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C'est aussi un livre, dont le texte a été écrit en Jamaïque en octobre 2007 et le documentaire achevé en Colombie en mai 2009. Il existe en version française, anglaise et espagnole. Le film est élaboré à partir d’images détournées, essentiellement issues de films de fiction et de documentaires.
L’objectif central de ce film est de mettre à jour la condition de l’esclave moderne dans le cadre du système totalitaire marchand et de rendre visible les formes de mystification qui occultent cette condition servile.
La démocratie libérale est un mythe en cela que l’organisation dominante du monde n’a rien de démocratique, ni même rien de libérale. Il est donc urgent de substituer au mythe de la démocratie libérale sa réalité concrète de système totalitaire marchand.
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Le propos de ce documentaire est ici de faire la critique exacte de la société qu’il nous faut changer. Ce film est avant tout un outil qui a pour vocation de faire s’interroger le plus grand nombre et de répandre l'information partout où elle n’a pas accès. Les solutions, les éléments de programme, c’est ensemble qu’il faut les construire, et c’est avant tout dans la pratique qu’elles éclatent au grand jour.
Il ne peut y avoir d’ambigüité sur la nature de notre combat, dit l'auteur, nous sommes favorables à l’émancipation de l’humanité toute entière, sans aucune forme de discrimination. Tout pour tous, est l’essence du programme auquel nous adhérons.
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Les références qui ont inspiré ce travail sont explicites dans ce film : Diogène de Sinoppe, Étienne de La Boétie, Karl Marx et Guy Debord. L'auteur ne s’en cache pas et ne prétend pas avoir inventé l’électricité. On lui reconnaîtra simplement le mérite d’avoir su s’en servir pour nous éclairer.
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La crise économique, sociale et politique a révélé la faillite patente du système totalitaire marchand. Une brèche est ouverte...

NAPOLÉON AU COMBAT

                   NAPOLÉON AU COMBAT                





CONTEXTE HISTORIQUE
Formé à l’Ecole militaire de Brienne puis à l’Ecole militaire de Paris, Napoléon Bonaparte en sortit sous-lieutenant d’artillerie en 1785. Homme de guerre, il ne craignait pas de s’exposer, menant directement les actions dans toutes les guerres qu’il conduisit. Son courage était indubitable. Pourtant, il ne fut blessé qu’une fois, devant Ratisbonne, en 1809. S’il prenait directement part aux batailles, menant lui-même l’action, il savait aussi reconnaître la valeur, et bien qu’il eût parfois des paroles malheureuses – « Tant qu’il me restera vingt mille hommes… » –, il savait se montrer généreux envers les blessés. On le vit bien à Eylau en particulier. Homme d’honneur, il savait rendre justice au courage de ses adversaires.

Le dévouement des chirurgiens et des médecins fut immense durant toute la période de la Révolution et de l’Empire, souvent sans résultat. Napoléon saura cependant honorer ses chirurgiens, mais jamais il ne leur donna le soutien efficace qu’ils étaient en droit d’attendre de lui. En 1805, il ira même jusqu'à interdire tout transport vers l’arrière avant la fin de l’action. Les désespérés pouvaient encore servir…

L’Empereur lui-même avait à son service un médecin, Corvisart, et un chirurgien, Yvan. Ce fut celui-ci qui intervint lors de la blessure de Ratisbonne, et surtout en 1814, lorsqu’à la chute de son empire, Napoléon tenta de se suicider.
ANALYSE DES IMAGES
Napoléon rend hommage au courage malheureux de Jean-Baptiste Debret

Après la prise de la ville d’Ulm et la capitulation des troupes autrichiennes du général Mack le 19 octobre 1805, Napoléon fit défiler devant lui la garnison prisonnière. Devant les blessés, il souleva son chapeau et rendit hommage à leur courage. Ce fut à cette époque que l’Empereur prit les mesures nécessaires à la sauvegarde des blessés en instituant le service de santé, tout en limitant l’efficacité de l’action des chirurgiens volants.

Ce tableau de Debret, artiste qui partit en 1815 au Brésil pour ouvrir une école de dessin, est inspiré par un article du Journal de Paris du 15 brumaire an XIV. Il fut l’un des plus diffusés par la légende napoléonienne, en raison de l’hommage qu’elle rend aux soldats autrichiens, rapidement transformés d’ailleurs en militaires français par les graveurs. En effet, les demi-soldes, soldats démobilisés nostalgiques de l’Empire et mis au ban de la société par la Restauration, devaient évidemment se reconnaître dans ce sujet qui leur rendait leur dignité perdue. C’était ainsi Napoléon lui-même qui saluait ses compagnons d’armes.

Napoléon blessé devant Ratisbonne de Pierre Gautherot

Son dessein étant d’investir Vienne, Napoléon prit d’assaut la ville de Ratisbonne le 23 avril 1809 pendant que l’armée autrichienne de l’archiduc Charles poursuivait sa retraite. Durant l’action, l’Empereur reçut une balle perdue au talon. Yvan vint le panser sous les yeux d’Heurteloup, successeur de Percy comme chirurgien de la Grande Armée. L’Empereur n’avait pas quitté ses bottes depuis trois jours, ce qui amplifia sa souffrance, qui fut réelle, et que traduit parfaitement l’expression que lui a conférée Gautherot. Mais il remonta à cheval avant même que son pied fût entièrement soigné, poursuivant sa tâche guerrière. Le tableau vaut surtout par le dynamisme de l’attitude de Napoléon qui, descendu de cheval à demi, essentiellement pour se faire soigner, n’en demeure pas moins le chef de guerre insensible qui continue à poursuivre le but de victoire qu’il s’est fixé.
Le sujet permet à l’artiste de peindre un moderne Achille, blessé comme lui au tendon, mais qui à l’inverse du héros homérique ne meurt pas de sa blessure. C’est à un Napoléon invulnérable que nous avons affaire ici, et comme toujours avec ce type de peintures, en arrière-plan, c’est l’homme providentiel qui est peint. L’homme sacré protégé par Dieu.
INTERPRÉTATION
Ces deux tableaux permettent de poser une problématique originale dans l’ensemble de la production napoléonienne. Ce sont certes de nobles actions de l’Empereur qui sont peintes, mais ce sont aussi des événements qui montrent la proximité de Napoléon avec les soldats, tant ennemis que français. Car c’est à Napoléon homme d’honneur, homme de courage et combattant de la Patrie, que se sont attachés Gautherot et Debret. Certes ces œuvres sont un peu froides, trop directes sans doute avec leurs couleurs acidulées, mais elles révèlent un Napoléon attaché à de hautes valeurs morales, celles du combattant qu’il ne cessa jamais d’être.

L’expression douloureuse du tableau de Debret est à relever. C’est l’une des rares fois, avec la Bataille d’Eylau de Gros et la Reddition de Madrid de Vernet, où l’Empereur laisse transparaître un sentiment. Chez Gros, il s’agissait de compassion, chez Vernet de colère. Tout se passe dans la plupart des tableaux comme si un homme de son envergure ne pouvait condescendre à de simples considérations humaines.


PRISE DU FORT DE FAUTAHUA À TAHITI !

 PRISE DU FORT DE FAUTAHUA À TAHITI   




CONTEXTE HISTORIQUE
Principale île de l’archipel de la Société, Tahiti fut découverte en 1767 par Wallis, que suivirent Bougainville et Cook, et dut son immense renommée à la mutinerie du Bounty commandé par le capitaine Bligh (1790). D’abord sous souveraineté britannique, grâce à la famille Pomaré qui se convertit au méthodisme, elle passa sous contrôle français après l’expulsion en 1836 de deux religieux catholiques de Picpus par la reine Pomaré IV, appuyée par le consul britannique Pritchard. La France envoya l’amiral Dupetit-Thouars demander réparation, mais le protectorat ayant été refusé, Pomaré et Pritchard furent évincés par l’amiral qui annexa l’île en 1843. Cette affaire suscita une intense bouffée de nationalisme en Angleterre et en France, où le qualificatif de « pritchardiste » devint une insulte à la mode. Soucieuse cependant de bonnes relations avec l’Angleterre, la France, en la personne de Guizot, le désavoua et la reine fut rétablie en 1847. Un nouveau protectorat fut alors négocié, non sans de vives résistances. C’est ce contexte que Charles Giraud, embarqué pour Tahiti à bord de La Recherche en 1842, traduisit dans ses deux peintures. Durant son séjour, l’artiste avait pris de nombreux croquis d’après nature, et c’est d’après eux qu’il réalisa ces œuvres, après son retour en 1847.
ANALYSE DES IMAGES
Composée de deux volcans éteints réunis par un isthme, l’île de Tahiti présente de profondes gorges dominées par des pitons dont plusieurs servirent de forteresses lors de la conquête menée par les Français. Le fort de Fautahua accueillit ainsi le gros des indigènes rebelles en 1846. Giraud en dessina plusieurs vues topographiques à la demande de l’état-major et en tira les deux tableaux de Versailles. Cette position formidable fut prise d’assaut le 17 septembre 1846 par le capitaine de corvette Bonard. Une colonne dirigée par Tariiri, Tahitien au service de la France, put d’abord atteindre le sommet, pendant que le commandant Masset feignait une attaque avec des chasseurs et le 31e sur un autre point du piton. C’est là que portèrent tous les efforts des rebelles. Mais l’attaque véritable eut lieu du côté de la colonne Tariiri, qui prit les indigènes à revers du côté le moins accessible. Il fallait escalader le pic avec des cordes, mais la surprise fut totale et les insurgés se débandèrent sans combattre. La victoire ne fut cependant totale que lorsque par un immense détour on put rallier l’accès normal à la forteresse. Ce sont donc les deux percées que relatent les tableaux de Giraud. L’artiste insiste particulièrement sur la topographie du terrain, effectivement spectaculaire, et c’est elle qui fait le sujet des œuvres, conditionnant les assauts surhumains de cette bataille. Le premier tableau rend particulièrement bien la vertigineuse verticalité des attaques. Deux masses, celle des soldats en bas, des roches en haut, se trouvent reliées par une simple corde si ténue qu’on croirait qu’elle va céder. Combat aérien où les soldats sont comme suspendus dans l’espace.
INTERPRÉTATION
L’intérêt de ces deux tableaux réside avant tout dans le fait qu’ils conservent la mémoire d’un fait d’armes exceptionnel aujourd’hui oublié et qu’ils témoignent des ambitions coloniales nouvelles de la monarchie de Juillet. L’image guerrière de Tahiti, bien réelle dans sa résistance permanente à la France, est occultée par le mythe océanien, celui du bonheur de ces îles paradisiaques, baptisées Nouvelle Cythère par Bougainville et que chantait Victor Hugo dès 1821 dans « La Fille d’O-Tahiti » (Odes). Il existe une véritable distance entre ce mythe et la réalité historique, mais le premier a la vie si dure qu’il refuse au second un regard objectif. C’est aussi que ces îles perdues dans l’océan, situées aux confins de la terre, ne semblent pas participer de l’évolution de l’ensemble du monde et paraissent demeurer dans un état de primitivisme heureux, où tout serait facile, tant leur beauté naturelle est idyllique.

Sur un autre plan, outre les dessins de John Webber (1750-1793) embarqué aux côtés du capitaine Cook, ces tableaux sont les premiers à nous conserver une mémoire océanienne. Giraud apparaît en ce sens comme un peintre ethnographique, à l’instar de Biard, le peintre des Lapons, qui fut chargé par Louis-Philippe de transcrire les événements de son voyage en Laponie durant la Révolution.