Les mille et une vies de Théodore de Corse
25 mars 1736. Sur la plage d’Aleria, les insurgés stupéfiés le regardent débarquer de la galère. La canne à bec de corbin des petits maîtres français, peu assortie à la robe ottomane, lui donne un aspect de bateleur, la perruque à l’anglaise et le chapeau de gentilhomme allemand attestent le haut rang, les traces d’usure du manteau et la rapière lui battant le flanc dénoncent l’aventurier.
Alchimiste ou astrologue, entremetteur mondain, agent plus ou moins secret, colonel d’un régiment plus ou moins fantôme, séduisant les uns, ruinant les autres, de bordel en couvent, de cachot en palais, de tripot en champ de bataille, il promène ses bottes et son éloquence à travers les cours d’Europe. Il s’appelle Théodore et rêve d’être roi. En échange de ce titre, il promet d’apporter son aide aux chefs corses trop empêtrés dans leurs rivalités pour venir à bout de l’oppresseur génois. Ils comptent se servir de lui autant qu’il compte exploiter leurs divisions.
Sur le sable, s'entassent la poudre et les armes. Grâce à quelle intrigue les a-t-il obtenues ? Agit-il seul ? Sinon, qui tire les ficelles ? Cette île aux portes de l’Orient excite tant de convoitises, représente tant d’enjeux !
Orfèvre dans l’art d’échapper aux créanciers, aux pirates barbaresques et aux sicaires à la solde de Gênes, élu roi par le peuple au temps des monarchies de droit divin, sitôt achevé un sacre aux airs de mascarade, il lève une armée aux allures de cour des miracles... Tandis que l’occupant génois se terre dans ses citadelles, dans une ébauche de constitution, il instaure la liberté de conscience. Est-ce vraiment le monarque de carnaval que s’attendaient à voir régner les souverains voisins, l’homme de paille que voulaient utiliser les chefs corses ? De quelle farce ou de quelle épopée surgit-il ? Est-ce le Ciel qui l’envoie, ou le Diable ?