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mardi 8 novembre 2016

LA SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT !

LA SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT 


CONTEXTE HISTORIQUE
L’imminence de la Séparation 

À l’orée du siècle, les relations de la France avec le Saint-Siège s’enveniment du fait de la politique anticléricale menée par Émile Combes et de l’intransigeance du nouveau pape Pie X. Le 29 juillet 1904, le gouvernement décide de rompre les relations diplomatiques avec le Vatican. Dès lors, la voie est ouverte à la séparation de l’Église et de l’État.

Il s’agit en fait d’une revendication ancienne (et essentielle) des républicains dont l’anticléricalisme s’apparentait à une « foi laïque », rationaliste et positiviste, en partie issue des Lumières. Le progrès, la science, l’éducation devaient faire reculer l’ignorance, l’obscurantisme et la superstition. Le pouvoir civil devait soumettre le pouvoir religieux et l’exclure de la vie politique et de la société.
ANALYSE DES IMAGES
Une allégorie riche en symboles

Émile Combes est déjà en action. Sa francisque s’apprête à trancher le nœud gordien (central) aux robustes entrelacs forgés par des siècles d’histoire. Fort réjoui, Voltaire lui donne la force nécessaire. Nouveau « Dieu » dont la pureté laïque et franc-maçonne ne saurait être mise en doute, le philosophe des Lumières envoie ses rayons bénéfiques à l’exécuteur. La République est consentante. Figurée en « Marianne de petite vertu », elle s’efforce de tendre la corde et s’attend à la séparation tout en continuant à s’interroger et en hésitant à la regarder vraiment en face. L’Église, représentée par le pape, continue d’être surveillée de près par Émile Combes. Fort mécontente de l’opération, elle subit, incapable d’apprécier la situation à sa juste valeur. Au premier plan, à terre, tranchant avec la surface bien dégagée sur laquelle se déroule l’action, un moine grassouillet au nez rouge (un chartreux ?) cuve son vin, une bouteille pleine dans les bras, une croix dans la main (croix sur laquelle un verre est gravé…).

Une fois le nœud tranché, la République ne reconnaîtra, ne salariera, ne subventionnera plus aucun culte. Mais elle assurera la liberté de conscience et garantira le « libre exercice des cultes », comme le mentionneront les deux premiers articles de la loi promulguée le 9 décembre 1905.

Le thème de la séparation de l’Église et de l’État a maintes fois été traité de cette façon-là par les caricaturistes, mais avec des tonalités partisanes plus ou moins républicaines et plus ou moins anticléricales. L’anticléricalisme de cette lithographie riche en symboles est par exemple très accentué. Le moine à terre en est une preuve, tout comme les détails de la tenue du pape, qui relèvent de la moquerie pure et simple, tout en insistant sur l’opulence de l’Église, son étrangeté et son extériorité par rapport à la société civile.
INTERPRÉTATION
La Séparation, œuvre du « combisme »

Cette lithographie, jamais reproduite jusqu’à ces dernières années, évoque une date essentielle de l’histoire de France. Si son côté partisan ne nous aide pas à comprendre que la loi de séparation fut finalement une loi de liberté et de conciliation (en dépit de son côté radical, net et bien tranché…), l’œuvre nous permet de saisir les passions extrêmes qui opposèrent, au tournant du siècle, cléricaux et anticléricaux (y compris les appels à la résistance, les menaces et condamnations lancées par Pie X après le vote de la loi et, en 1906, au moment des Inventaires).

Donnant une place centrale à Émile Combes alors que la loi, fruit d’un travail collectif, fut promulguée après la chute de son gouvernement, cette allégorie correspond bien aux deux idées principales que chacun se fait encore aujourd’hui de cet épisode historique. D’une part le « petit père Combes », ancien séminariste devenu anticlérical, est bien à l’origine de la Séparation en dépit de ses penchants concordataires. D’autre part, le « combisme » mis en œuvre par le bloc des Gauches fut bien une politique de combat menée sans fard et soutenue activement par une partie non négligeable de la population, afin qu’advienne cette République laïque tant désirée mais maintes fois ajournée.


lundi 7 novembre 2016

LE CHARISME DE HITLER !

                 LE CHARISME DE HITLER              



CONTEXTE HISTORIQUE
La conquête du pouvoir par Hitler
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, rien ne semblait prédestiner Adolf Hitler (1889-1945) à devenir le maître incontesté de l’Allemagne dès 1933, ni ses origines sociales ni sa trajectoire personnelle : cet illustre inconnu, fils d’un modeste douanier autrichien, s’essaya sans beaucoup de succès à la peinture, avant de s’engager comme soldat durant la Grande Guerre. L’ayant démobilisé pour cause de blessures, l’armée le chargea après la fin des hostilités de surveiller les groupuscules extrémistes de Munich, parmi lesquels se trouvait un noyau d’ouvriers allemands qui se distinguaient par leurs virulents idéaux nationalistes et racistes. Entré en contact avec eux, Hitler adhéra bientôt au parti national-socialiste allemand des travailleurs (NSDAP) fondé en 1920 contre les accords de Versailles, la République bourgeoise de Weimar et le grand capitalisme, dont il devint le chef. Découvrant alors qu’il possédait de réels talents d’orateur et de démagogue, il les exploita à des fins politiques, dans un premier temps pour acquérir une certaine audience populaire dans les brasseries munichoises, dans un second temps pour étendre les assises du parti nazi (2 000 membres fin 1920, 55 000 fin 1923), nouer des liens avec les milieux d’extrême droite et doter le NSDAP d’une organisation paramilitaire propre (S.A.). Toutefois, la tentative avortée de putsch à Munich, les 8 et 9 novembre 1923, entraîna l’emprisonnement de Hitler, période durant laquelle il rédigea Mein Kampf, et l’interdiction du parti nazi. A sa sortie de prison, treize mois plus tard, il parvint néanmoins, grâce à la célébrité acquise durant son procès, à reconstituer son parti et à renforcer sa propre influence politique.
ANALYSE DES IMAGES
Une rhétorique savamment calculée 

Pleinement conscient de ses capacités d’orateur, Hitler insiste longuement dans Mein Kampfsur l’importance de la propagande, centrale dans l’idéologie nazie et la culture totalitaire, et en particulier des discours pour galvaniser les foules : ceux-ci devaient être simples et accessibles, ne contenir qu’un nombre réduit d’idées et d’informations. En conséquence, Hitler s’adressait toujours au peuple selon la même logique simpliste et répétitive. Prononcés sur un ton tantôt déclamatoire, tantôt incantatoire, ses discours faisaient appel à une rhétorique gestuelle empruntée aux orateurs antiques, associant le geste à la parole. L’importance qu’il attachait aux effets gestuels et aux expressions du visage apparaît dans la série de clichés réalisée en 1925 par Heinrich Hoffmann (1885-1957), photographe du parti nazi dès ses origines puis iconographe attitré et ami personnel de Hitler. Ces instantanés ont été pris alors que Hitler, debout devant l’objectif, mime un discours imaginaire, adoptant tour à tour une pose combative, impérative, ironique et visionnaire, et que, derrière lui, un gramophone diffuse le discours en question. Ses gesticulations – bras levés, poings serrés, index tendu… – de même que les mimiques exaltées de son visage – moue volontaire, yeux exorbités ou rêveurs, bouche hargneusement ouverte, lèvres esquissant un sourire ironique… – sont autant d’effets destinés à renforcer la teneur de ses propos et à communiquer son état d’esprit aux auditeurs. Tel un comédien, Hitler parvenait de la sorte à dédoubler sa personnalité pour se mettre lui-même en scène dans le but de concentrer l’attention sur sa personne puis de rassembler les masses autour de lui. Face au public, il avait coutume d’adopter une pose méditative avant d’entamer son discours, lequel suivait une sorte de progression : commencé lentement, il s’enflait au fur et à mesure que le ton montait, s’accompagnant alors de gestes virulents, puis se calmait. Si ces photographies présentent ainsi un intérêt documentaire considérable pour apprécier le charisme que dégageait la personne de Hitler, ce dernier n’en jugea pas de même puisqu’il demanda par la suite à Hoffmann de détruire les négatifs de ces photographies, après avoir diffusé certaines d’entre elles. Conscient du pouvoir des médias et en particulier de la photographie, Hitler – l’homme le plus photographié de son temps – contrôlait en effet soigneusement son image officielle, privilégiant les portraits solennels et pompeux au détriment des instantanés et des clichés pris en privé. C’est ainsi qu’il s’entoura de quelques photographes officiels et prit l’habitude de marquer d’un coin les photographies qu’il ne voulait pas voir publier. Cependant, Hoffmann, qui était pourtant tout dévoué à Hitler, ne lui obéit pas cette fois et conserva secrètement les négatifs, qui furent publiés bien plus tard dans la presse.


INTERPRÉTATION
L’adhésion des masses 

Cette automise en scène qui caractérisait les discours de Hitler permet de mieux comprendre les raisons de la confiance aveugle et de l’idolâtrie qu’il suscitait parmi ses auditeurs. Son charisme et son ascendant résidaient en effet en grande partie dans la puissance de son élocution et dans l’emploi d’une rhétorique gestuelle. Il sut également très bien exploiter les anciens et les nouveaux médias – citons entre autres la mise en scène élaborée des grands rassemblements en plein air, la photographie dans la presse, la radio, la technique d’amplification du son dans les meetings, ainsi que les actualités cinématographiques. Des discours simplificateurs aux accents prophétiques et une propagande habile lui permirent ainsi de faire passer au peuple son message, lequel se résumait à quelques concepts idéologiques fondamentaux – la communauté nationale, la pureté de la race, la haine de l’ennemi bolchevique et juif –, et de lui communiquer sa vision d’un avenir grandiose et prospère pour l’Allemagne. Fort de cette assise populaire, Hitler parvint à exploiter le mécontentement général suscité par la crise économique de 1929 pour se hisser au pouvoir, tout en prenant appui sur le parti de droite et en obtenant le soutien financier de quelques grands groupes industriels. Nommé à la tête de la chancellerie du Reich par le président Hindenburg le 30 janvier 1933, il se consacra à la mise en place et à la consolidation du nouveau régime, créant un Etat totalitaire dans lequel la propagande jouait un rôle de tout premier plan. Destinée à embrigader les masses, elle était envahie par le culte du Führer, dont elle offrait une image glorieuse. Les grandioses cérémonies nationales-socialistes contribuèrent à accroître son immense popularité : à ces occasions, la monstrance de la personne de Hitler s’accompagnait d’un rituel soigneusement codifié par Goebbels, dans lequel de nombreux artifices tels que les effets de lumière des projecteurs ou une apparition savamment calculée du chef renforçaient son aura. Ainsi conditionnée et galvanisée par l’orateur, la foule était atteinte d’une sorte d’ivresse collective, d’une transe dans laquelle se réalisait la fusion de la communauté mystique avec son Führer. Exceptionnelle, cette « domination charismatique » (Max WEBER, Economie et société. Trad. fr. Paris, 1971, p. 249-261.) constitue ainsi l’une des clés du succès du pouvoir hitlérien.



samedi 5 novembre 2016

MAC MAHON, MARÉCHAL ET DUC D'EMPIRE !

MAC MAHON, MARÉCHAL ET DUC D'EMPIRE 


CONTEXTE HISTORIQUE
Maréchal et duc d’Empire
Issu d’une famille d’origine irlandaise, Mac-Mahon est sorti de Saint-Cyr en 1827 avant d’acquérir une brillante réputation de chef militaire lors de la conquête de l’Algérie. Sa carrière s’est accomplie sous le Second Empire, d’abord pendant la guerre de Crimée, où il s’est distingué en s’emparant du bastion de Malakoff le 8 septembre 1855, ce qui a permis la prise de Sébastopol et le succès final de la coalition franco-anglaise contre la Russie. Quatre ans plus tard, il était à la tête d’une partie des armées françaises en Italie. Commandant du deuxième corps d’armée, il remporte sur l’armée autrichienne, en Lombardie, le 4 juin 1859, la victoire de Magenta, ce qui lui vaut d’être élevé par Napoléon III à la dignité de maréchal et duc d’Empire sur le champ de bataille.
ANALYSE DES IMAGES
Une des dernières œuvres d’Horace Vernet
Ce grand portrait est un des derniers tableaux de cette envergure peints par Horace Vernet, un des artistes les plus en vue de l’époque et spécialiste reconnu de la peinture historique et de la peinture de bataille. Habitué aux commandes officielles, il était l’un des principaux artistes commandités par Louis-Philippe pour le musée de Versailles, notamment pour la galerie des Batailles et les salles d’Algérie. Dès 1824-1826, le jeune peintre avait reçu commande de portraits de maréchaux pour les Tuileries, mettant au point, dans ses portraits de Gouvion Saint-Cyr et de Molitor (Versailles, musée national du Château), une formule de figure en pied « en situation » qu’il reprit souvent par la suite. C’est le cas ici, où il allie le portrait et la peinture militaire : sur le champ de bataille de Magenta, Mac-Mahon franchit une palissade, au milieu des cadavres et à la tête de ses soldats, sur la droite. Le fond de la toile est occupé par la bataille elle-même. Mac-Mahon regarde vers la gauche, la longue vue dans sa main droite et la casquette dans sa main gauche, dans un mouvement simple et une pose volontairement vivante et spontanée.
INTERPRÉTATION
Mac-Mahon incarne pour beaucoup les équivoques de la IIIe République naissante. Bien que succédant à Thiers en 1873 à la présidence de la République, il s’est en réalité efforcé de préparer les conditions d’une restauration monarchiste. La division entre orléanistes et légitimistes a eu finalement raison de ce projet. Sa démission en 1879 symbolise la victoire définitive du camp républicain, après la majorité qu’elle parvient à conserver aux élections de 1877 et celle qu’elle conquiert au Sénat en 1879. 
La légende du portrait ne doit cependant pas induire en erreur : c’est le militaire victorieux, le maréchal d’Empire que Vernet a représenté, et non l’homme politique dont le destin était encore voilé au moment où le tableau fut peint.


BAZAINE, COMMANDANT DE L'EXPÉDITION DU MEXIQUE !

BAZAINE, COMMANDANT DE L'EXPÉDITION 

DU MEXIQUE



CONTEXTE HISTORIQUE
Achille Bazaine (Versailles, 1811-Madrid, 1888) était entré dans l’armée en 1831. Après avoir servi en Algérie et en Espagne, il fut promu général, se distingua lors de la guerre de Crimée et de la campagne d’Italie. Envoyé au Mexique en 1862, il devint célèbre en s’emparant de Puebla en 1863 et fut fait maréchal de France en 1864. Cependant l’expédition décidée par Napoléon III pour établir un empire latin et catholique ouvert aux intérêts français devait être l’un des grands échecs de la politique extérieure du Second Empire. La guérilla, les menaces américaines et la lassitude de l’opinion française contraignirent Napoléon III à abandonner l’empereur Maximilien d’Autriche, qu’il avait installé sur le trône du Mexique en 1863. En 1867, Bazaine quitta le Mexique avec les dernières troupes françaises. Maximilien, qui avait refusé de l’accompagner, fut arrêté et fusillé.
ANALYSE DES IMAGES
Bazaine est ici portraituré sur le terrain de la campagne militaire du Mexique. Le vainqueur de Puebla pose avec dignité : il est accoudé sur une carte d’état-major, son bâton de maréchal en évidence entre sa casquette et ses gants blancs. A l’arrière figure une pièce d’artillerie. La végétation, réduite au strict minimum (un cactus au second plan à droite et quelques arbres fermant l’horizon), rappelle l’exotisme de l’expédition. Des officiers à cheval semblent conduire un bataillon. Le visage de Bazaine, plein d’autorité, se détache à contre-jour sur un ciel clair.
INTERPRÉTATION
Beaucé, honorable peintre de batailles dans la veine d’Horace Vernet, exposa régulièrement au Salon de 1839 à 1868. Parmi les commandes que lui adressa l’administration du Second Empire pour le musée de Versailles figurent deux portraits : celui du maréchal comte d’Ornano, exposé au Salon de 1863, et celui de Bazaine, exposé au Salon de 1867, année où le maréchal revint du Mexique. On ne saurait oublier, à cet égard, que Le Fifre de Manet avait été refusé au Salon de 1866. Ces deux œuvres révèlent à l’évidence deux conceptions radicalement différentes de la peinture : pour Beaucé, il s’agit d’un exercice académique qui ne vise qu’à célébrer l’ordre établi au prix d’une simple illusion du vrai, alors que Manet, lui, cultive une approche résolument moderne du sujet et de sa représentation. Il est intéressant de constater combien la mimésis conventionnelle de Beaucé sert ici à maquiller, sous les apparences de l’autorité, l’échec de l’expédition du Mexique dont Bazaine avait été le commandant en chef.






L’HÔTEL DES INVALIDES !

                 L’HÔTEL DES INVALIDES                


CONTEXTE HISTORIQUE
Une pièce d’un programme iconographique politique

Voulue par Louis XIV, l’édification de l’hôtel des Invalides au sud-ouest de Paris est commandée par le ministre de la guerre Louvois et confiée à l’architecte Libéral Bruant en 1670. La construction dure plusieurs années. En avril 1674, le roi promulgue un édit fondant l’hôtel royal des Invalides « pour le logement, subsistance & entretenement [entretien] de tous les Officiers & Soldats de nos Troupes, qui ont esté & seront estropiez, ou qui ayant vieilli dans le service en icelles, ne seront plus capables de Nous en rendre ». Le lieu est conçu comme un véritable hospice pour des hommes ayant donné une partie de leur vie au service du royaume et de sa gloire militaire. Jules-Hardouin Mansart en exécute l’église, qui n’est inaugurée par le roi qu’en 1706 (le gros œuvre ayant été achevé en 1691).

Le peintre Pierre Dulin (1669-1748), élève de Charles Le Brun, reprend la même thématique que celle que son maître avait déjà utilisée pour célébrer l’édification de ce bâtiment au plafond de la galerie des Glaces (dans un ovale représentant la Piété entourée de soldats qu’elle récompense de ses bienfaits et accompagnée de Minerve). Il développe toutefois la scène et y mêle hommes et allégories. Il s’agit d’une huile sur toile peinte à une date incertaine – entre 1710 et 1715 – afin de servir de carton à une tapisserie réalisée dans l’atelier de haute lisse de La Tour entre 1716 et 1725. La tapisserie s’inscrit dans la continuité du cycle produit par la manufacture des Gobelins à partir de 1665 pour célébrer les hauts faits de Louis XIV (première pièce de la cinquième série de la tenture de l’Histoire du Roy). Pour donner une plus grande intensité à la scène représentée, Dulin imbrique plusieurs moments distincts : la présentation des plans au roi (1670), la construction du monument (1671-1706), l’accueil des premiers invalides (octobre 1674).


ANALYSE DES IMAGES
La fondation des Invalides bénie des dieux

Une scène centrale légèrement surélevée divise la toile en deux parties. À gauche, devant un groupe de cavaliers sur fond de campagne se détachent deux hommes en perruque. Il s’agit des deux architectes successifs, Libéral Bruand (à gauche) et Jules Hardouin-Mansart (à droite). À droite, un groupe de soldats et officiers blessés sont conduits par la Victoire ailée porteuse d’une couronne de laurier vers la scène centrale. À l’arrière-plan, l’hôtel royal est encore en construction, mais le dôme de l’église est achevé.

À la jonction de ces deux mondes, celui des soldats valides (la guerre), et celui des soldats estropiés (retour à la paix), un groupe de trois courtisans entoure le roi et le ministre de la guerre. Louvois, au centre exact de la toile, montre le plan des Invalides à Louis XIV, dont la grande taille, le port du chapeau et de la canne, le cordon de l’ordre du Saint-Esprit ainsi que la mise en lumière témoignent de sa souveraineté. Entre les courtisans en perruque et les cavaliers, les généraux victorieux Turenne et le prince de Condé semblent constituer un trait d’union symbolique entre la cour et la guerre.
Une déesse antique et trois allégories se mêlent aux hommes et montrent que l’entreprise royale bénéficie des auspices divins. Minerve, déesse casquée de la guerre et de l’intelligence, soutient l’entreprise de Louvois ; la Victoire mène les invalides ; la Renommée brandit l’oriflamme et sonne de la trompette dans un nuage qui sépare l’arrière-plan en deux ; la femme portant le plan est peut-être une allégorie de l’architecture.
INTERPRÉTATION
Louis XIV entre guerre et paix

La fondation de l’hôtel des Invalides correspond à la reconnaissance par le roi de la contribution des soldats à sa gloire militaire. La thématique de la sollicitude de Louis XIV envers ses soldats est courante dans l’iconographie du règne et vient contrebalancer l’image d’un roi avide de gloire personnelle et prompt à récompenser les seuls généraux. Louis XIV apparaît ici davantage encore en roi de paix soucieux de la réintégration des soldats invalides qu’en roi de guerre victorieux. Il illustre deux vertus, la charité et la justice, tout en contribuant indistinctement à son propre prestige et à celui de son royaume. L’image martiale du roi de guerre est ainsi détournée au profit d’une mise en scène délibérément plus positive du roi préoccupé par le sort de ses sujets.

Il faut prouver dix années de service pour accéder aux Invalides. La vie des quatre mille pensionnaires admis sur dossier y respecte l’ordre militaire et la rigueur religieuse. La place de l’église est au centre de l’ensemble architectural. On y distingue deux accès : intérieur pour les estropiés et extérieur pour le roi. Cette place caractérise les Invalides comme lieu de salut pour les soldats mais aussi pour le roi, afin de racheter leur sacrifice. En assurant une fin de vie décente à une partie (dérisoire il faut l’admettre…) de ses anciens soldats, le roi répond à un impératif social, alors que le poids de la guerre sur les populations est croissant.

Par la relégation physique à l’arrière-plan des généraux, aussi prestigieux fussent-ils (Condé et Turenne), au profit du ministre Louvois, l’artiste rend compte du passage d’un âge guerrier de l’héroïsme et de la bravoure au feu à un âge militaire dominé par la technique et logistique, et dirigé depuis les bureaux de Versailles.

LA DÉFAITE DE L'EMPIRE !

               LA DÉFAITE DE L'EMPIRE                


CONTEXTE HISTORIQUE
Fin mars 1814, la campagne de France et le Premier Empire tirent à leur fin. Fortes de 800 000 soldats européens, rejointes par le comte d’Artois et le duc d’Angoulême, les armées alliées marchent sur Paris. Après avoir forcé les barrières de Belleville, Pantin, Romainville, la butte Saint-Chaumont et le pont de Charenton, elles prennent sur la rive droite de la Seine la butte Montmartre. Le nord et le nord-ouest de l’enceinte de la capitale, de Clichy à Neuilly, sont protégés par 70 000 hommes de la garde nationale. Devant l’avancée des ennemis, le maréchal Moncey se porte à la barrière de Clichy. Pupilles de la garde, invalides, volontaires, ouvriers, citoyens, tirailleurs, élèves des Ecoles polytechnique et vétérinaire : les troupes de Moncey rassemblent 15 000 hommes. Horace Vernet, son frère Carle, les amis et membres des cercles bonapartistes, en font partie. Leur manque d’expérience des armes ne les empêche pas de résister vaillamment en défendant le poste de garde jusqu’à la proclamation de l’armistice. Le 30 mars 1814 avant l’aube, le rappel des tambours annonce l’ultime épisode héroïque de la défense de la dernière barrière, attaquée par le contingent russe.


ANALYSE DES IMAGES
Le commanditaire de cette toile est un certain Odiot, maître orfèvre de la cour impériale. Il y est représenté au centre, sur un plan rapproché, recevant les ordres du maréchal Moncey à cheval. Autour d’eux, dans la mêlée des gradés, on reconnaît des personnalités, tels Amédée Jaubert, interprète de l’Empereur en Egypte, Amable Girardin, le colonel Moncey, fils du maréchal.
Aidé par les gardes nationaux et les grenadiers de la garde impériale, le capitaine de chasseurs Emmanuel Dupaty ramène une pièce de canon abandonnée. Près de lui, devant à droite, le peintre Charlet amorce son fusil, tandis que continue le tir des autres canons. Blessé, Margariti le poêlier, soldat à Jemmapes, est mis en évidence.
A l’arrière-plan au-delà des barrières, dans la fumée et la poudre, le cabaret du père Lathuille sert de quartier général et offre le vin au maréchal et à ses hommes.

Devant à droite, deux pupilles de la garde blessés sont adossés à une palissade. La fracture du dragon est effrayante de vérité. Devant, une jeune femme, assise sur une malle, allaite son nouveau-né. Autour d’elle se trouvent des ustensiles domestiques et une chèvre attachée à la malle. Le matelas et les couvertures rappellent le sort des familles sans asile.
L’œuvre relate avec beaucoup de détails l’atmosphère de barricade. Les costumes et les uniformes bleus à épaulettes rouges changent sous l’effet de la lumière. Les expressions et les attitudes variées sont réussies et pleines de vérité. Les contrastes sont subtils. Le dessin du groupe de gardes est confus, ailleurs cependant il est fini et ferme. Les tons disparates mais subtilement associés amortissent la sensation de froideur du coloris.
INTERPRÉTATION
La Barrière de Clichy, qui a rendu son auteur célèbre, traduit le désespoir des troupes, leur dernier effort noble et courageux, mais trahi. La Bataille de Jemmapes d’Horace Vernet est son premier élan vers la gloire révolutionnaire. La Barrière de Clichy en est le dernier soupir. Expression de l’engagement personnel du peintre et souvenir d’un acte collectif, ce tableau est un manifeste de patriotisme qui élève l’échec de la campagne de France à un fait de guerre glorieux et hisse l’œuvre peinte au rang d’œuvre historique.

L’ÉCRASEMENT DE LA COMMUNE

        L’ÉCRASEMENT DE LA COMMUNE        


CONTEXTE HISTORIQUE
L’écrasement de la Commune 

Proclamée en mars 1871 dans la capitale assiégée par les troupes allemandes, la Commune de Paris est une tentative de gouvernement populaire autonome. Réfugié à Versailles, Thiers entend terrasser cette « République de Paris ». Le 21 mai 1871, les troupes versaillaises conduites par les généraux Mac-Mahon et Galliffet entrent dans la ville pour la reprendre aux insurgés. C’est le début de la « Semaine sanglante ».


ANALYSE DES IMAGES
Le peuple anonyme

Avec la touche pointilliste qui est alors la sienne, Luce représente une rue de Paris pendant la « Semaine sanglante », du 21 au 28 mai 1871, durant laquelle la sauvagerie versaillaise fit entre 10 000 et 20 000 victimes. Construit sur une oblique presque diagonale, le tableau montre les cadavres d’une femme du peuple et de fédérés – les soldats de la Commune identifiables à leur vareuse bleue et à leur pantalon à filet rouge – gisant sur la chaussée, près des pavés éboulés d’une barricade renversée qu’on devine dans le coin inférieur droit. Ceux-ci sont une métonymie de ces concrétions de la ville érigées à travers Paris, de part et d’autre desquelles ont lieu les combats.


Par sa conception, l’œuvre conduit le regard du spectateur vers ces corps anonymes dont le peintre a fait son véritable sujet. L’alignement des façades aux vitrines closes, frappées par la lumière, bloque l’espace et incite les yeux à se porter sur les cadavres allongés dans l’ombre. L’enchevêtrement inextricable oblige à détailler chaque individu aux postures différentes et aux visages souvent indistincts, plaqués au sol. Par ce dispositif, Luce fait de cette masse de victimes anonymes un raccourci du peuple de Paris massacré par les troupes versaillaises.
INTERPRÉTATION
L’hommage aux victimes

L’artiste libertaire qu’est Maximilien Luce (1858-1941) n’appartient pas à la génération des contemporains de la Commune. Cette peinture (et quelques autres portant sur cette période historique) est une image militante participant d’un culte de la mémoire de la Commune. Les taches de sang entourant les visages des cadavres pourraient d’ailleurs ressembler aux auréoles de martyrs (laïcs) « pourrissant au soleil de mai et de juin », selon Georges Bourgin, dans son Histoire de la Commune (1907). Cette œuvre rend en effet hommage aux morts de la Commune, alors que cet événement n’est pas reconnu par l’historiographie républicaine comme une révolution, mais considéré comme une simple « guerre civile ».

vendredi 4 novembre 2016

LE MONDE PAYSAN AU XVIIe SIÈCLE !

      LE MONDE PAYSAN AU XVIIe SIÈCLE     

CONTEXTE HISTORIQUE
Les frères Le Nain et la paroisse Saint Sulpice 

Ce grand tableau fut réalisé à la fin du règne de Louis XIII, comme l’atteste une signature sur la tranche de la planche posée sur un tonneau pour servir de banc : LENAIN. FECIT. AN. 1642. Depuis un an, les signatures, accompagnées de date, jusque-là sans exemple chez les Le Nain, se multiplient. Comme pour affirmer un statut enfin reconnu d’artistes consacrés.

Depuis 1629, les frères Le Nain résident au faubourg de Saint Germain des Prés, paroisse saint Sulpice, dans une maison de la rue Princesse, presque à l’ombre de l’abbaye. Le curé de la paroisse, de 1642 à 1652, est Jean-Jacques Olier, curé militant de la Réforme catholique. Il consacra de grands efforts à l'organisation d'une charité militante, sur le modèle de Vincent de Paul, car en ce «  sombre XVIIe siècle » stigmatisé par de multiples crises de subsistances, Saint Germain était une paroisse particulièrement sensible à la fragilité sociale des temps de disette, faisant affluer les hommes et les femmes que les textes nomment « sans feu, sans lieu, sans aveu », en quête de nourriture, de protection ou de travail.


ANALYSE DES IMAGES
Une scène « réaliste » 

Nous sommes dans la pièce principale, et peut-être unique, d'un intérieur paysan, la pièce chaude, celle qui abrite le sommeil, la cuisson des aliments, les repas, les veillées des longs soirs d'hiver autour du feu, le travail aussi, quand les intempéries ne permettent pas de sortir. Plusieurs familles sont identifiables : trois hommes, une femme, trois enfants.

De nombreux détails concrets, aussi, apparaissent, immédiatement repérables : une nappe blanche recouvre une table basse composée vraisemblablement d'une planche de bois reposant sur des tréteaux ; du vin a été servi dans de longs verres effilés ; entamée, une grosse miche de pain blanc, le pain des riches, est posée sur la table, avec sa croûte épaisse, qui retient l’humidité et retarde le passage au pain rassis.


Un sol en terre battue ; un pot de terre cuite vernissée, mais aucun de ces objets en « étain sonnant » dont l’historien sait qu'ils distinguaient, le plus souvent, les plus riches ; un tabouret à trois pieds (à droite) ; une planche de bois (à gauche), placée, sans doute, sur un tonneau (à gauche) ; le dossier en cuir d'une chaise, au second plan. Au second plan aussi (à droite), on distingue assez nettement un lit à colonnes, dont on devine les hauts piliers qui soutiennent un ciel d'étoffe.
Les participants à cette scène appartiennent à des groupes sociaux nettement différenciés. Tout d’abord, un homme d'une certaine aisance, à la mode Louis XIII. Il a une belle et fière allure et il occupe le centre du tableau. S'agit-il d'un citadin ? Remarquons son col blanc, fermé. Signe qu'il ne travaille pas ? Ses vêtements sont assez soignés ; ses cheveux, sa barbe et sa moustache sont « à la mode » — « à la royale », comme on disait alors —. Son fils, manifestement (vêtements identiques à ceux de son père), joue du violon, un instrument qui n'était pas rare dans les campagnes ainsi que l'attestent nombre de récits consacrés à des fêtes paysannes... Il se dégage de ce premier groupe (le père dans la manière de tenir son verre et le manche d'un couteau, son fils prêt à jouer du violon), un certain air de distinction et de civilité.
Ensuite, un paysan, relativement aisé, occupe la partie gauche du tableau. Remarquons, par contraste avec le personnage précédent, ses vêtements simples, en toile ou en serge (laine et chanvre), peu déchirés, sauf aux genoux. Il est chaussé de souliers. Sa femme se tient debout, derrière lui, au second plan, dans une attitude de réserve et de discrétion. Les vêtements sont simples : une robe de serge rouge, une chemise blanche à large col recouvrant les épaules, un petit couvre-chef blanc dissimulant les cheveux. Il est difficile d'identifier un vêtement distinctif d'une région particulière (pas de coiffe ou de collerette, par exemple) : nous savons que les vêtements « régionaux » apparaîtront un siècle plus tard.


Enfin, le personnage de droite vient manifestement de l’extérieur. Sa pose est modeste, ses yeux baissés, son regard vague, son corps tassé par une vie de labeur et de misère. Qui peut-il bien être ? Un paysan ? Un mendiant ? Un étranger ? Ses pieds sont nus, ses vêtements sont déchirés ; il adopte une attitude humble, silencieuse, respectueuse même (son chapeau est posé sur ses genoux alors que le personnage de gauche a conservé son bonnet). S’agit-il d'une embauche (la « louée ») d'un domestique atta¬ché, par exemple, à la charrue ? Pourquoi ces trois personnages se sont-ils retrouvés ? Qu’est-ce qui peut les unir ? Les réunir ?



LA CHASSE SOUS LOUIS XV !

              LA CHASSE SOUS LOUIS XV               

CONTEXTE HISTORIQUE
La passion de Louis XV pour la chasse

Lorsque Jean-François de Troy peint en 1737 Un Déjeuner de chasse, dont le pendant, La Mort d’un cerf, a disparu, Louis XV a 27 ans. Son ancien précepteur, le cardinal de Fleury, occupe de fait les fonctions de premier ministre, sans en avoir le titre, jusqu’à sa mort à 90 ans en 1743. Le souverain qui a bénéficié d’une excellente éducation est loin de se désintéresser des affaires de l’Etat, mais il se passionne pour la chasse. C’est ainsi qu’il commande entre 1735 et 1739 neuf tableaux de chasses exotiques pour la Petite Galerie de ses petits appartements de Versailles.

De Troy avait peint dans ce cadre La chasse du lion. Athlète dans la force de l’âge, Louis XV parcourt souvent dès l’aube les forêts giboyeuses de l’Ile-de-France. Cette commande est significativement destinée à la salle à manger des petits appartements du roi au château de Fontainebleau qu’il apprécie tout particulièrement et où il entreprend d’importants travaux.


ANALYSE DES IMAGES
Réjouissances champêtres

Jean-François de Troy peint la simplicité du décor champêtre et le caractère spontané de la scène. Des domestiques descendent une chaise pour permettre aux convives restés debout de s’asseoir, tandis qu’une servante se penche pour observer le déjeuner. Mais la qualité des invités ne fait pas de doute. Les vêtements des femmes sont à la dernière mode, un carrosse est rangé en arrière-plan, et la présence d’un domestique de couleur témoigne d’un mode de vie aristocratique.
Le déjeuner n’est pas guindé mais exprime au contraire l’insouciance et la joie de vivre. La scène contraste avec le Déjeuner d’huîtres du même peintre, commande royale destinée à orner la salle à manger d’hiver des petits appartements du roi Louis XV à Versailles. En effet, seuls des hommes participent à ce repas d’après chasse au décor fastueux, où huîtres et bouteilles de champagne rappellent la volupté et les plaisirs des sens.
INTERPRÉTATION
Plaisirs des sens

Au milieu des années 1730, Jean-François de Troy mais aussi Nicolas Lancret et Carle van Loo peignent avec talent des repas en plein air pour la plupart destinés aux appartements privés de Louis XV des châteaux de La Muette, de Fontainebleau ou de Versailles. La chasse est au cœur de la sociabilité princière. C’est un sport d’hommes, mais les femmes rejoignent les chasseurs pour les pique-niques.

Pour Louis XV, la chasse est aussi l’occasion d’ouvrir une parenthèse dans le rituel très contraignant de la cour. Dans un décor rural simple, Jean-François de Troy peint la joie de vivre et l’insouciance. Les mets sont fins et abondants. Ils incitent à la volupté. Avec la recherche du bon mot et du trait d’esprit, les jeux de séduction sont une composition essentielle de la sociabilité aristocratique. Ils occupent ici significativement le centre du tableau.


LA LÉGENDE DORÉE DE NAPOLÉON !

      LA LÉGENDE DORÉE DE NAPOLÉON      



CONTEXTE HISTORIQUE
Durant la monarchie de Juillet, une flambée de bonapartisme se fit jour, encouragée par la politique de rassemblement national de Louis-Philippe. En quête d’une troisième voie entre les différentes tendances politiques, le souverain tenta en effet de se les rallier en cautionnant le grand événement révolutionnaire et impérial rejeté depuis 1815. Cela lui était d’autant plus facile qu’il avait lui-même combattu à Neerwinden en 1792.
Ce furent les bonapartistes qui furent les mieux traités dans cette nouvelle politique. Le roi inaugura le musée de l’Histoire de France à Versailles (1833), fit relever la statue de Napoléon au sommet de la colonne Vendôme (actuellement aux Invalides) et inaugura l’arc de triomphe de l’Étoile enfin achevé (1836). Partout l’Empire était mis en valeur, et Napoléon eut également droit de cité au Salon. Cette politique bonapartiste devait connaître son apothéose en décembre 1840 avec le retour des cendres.


ANALYSE DES IMAGES
Le tableau de Mauzaisse

Exemple tardif d’allégorie, ce tableau exposé au Salon de 1833 (no 3130) participe du culte napoléonien. Héros absolu, Napoléon, revêtu de son uniforme de colonel des chasseurs à cheval de la garde, est élevé au ciel où le Temps le couronne, tandis que lui-même, regardant fièrement le spectateur, écrit son œuvre sur les tables de l’Histoire. Une grande diagonale souligne cette sorte d’apothéose de l’Empereur.

Mais une ambiguïté subsiste entre le propos de Mauzaisse et la réalisation de son œuvre, très pesante, très réaliste dans sa façon de montrer l’événement. Cette ambiguïté ne s’explique que par les choix politiques et sociaux de l’artiste.

Le tableau de Dulong

Exposé au Salon de 1835, ce tableau s’inspire d’une chanson célèbre de Pierre-Jean de Béranger (1780-1857), Les Souvenirs du peuple, qui évoque la rencontre de Napoléon et d’une jeune servante lors de la campagne de France en 1814. Un soir, l’Empereur harassé par les combats s’arrête dans une auberge de Champagne et s’écrie : « Dieu, quelle guerre ! » Après s’être endormi auprès du feu, il s’éveille et console la servante qui pleure sur les malheurs de la France et lui affirme qu’il se rend sous Paris pour la venger. Ce sont ces souvenirs que raconte la jeune fille devenue grand-mère à ses petits-enfants : « Parlez-nous de lui, grand-mère ! Parlez-nous de lui !… »

Œuvre assez faible techniquement, le tableau de Dulong n’en est pas moins intéressant par l’image de Napoléon qu’il véhicule. Nous sommes loin ici du héros victorieux ou de l’homme sacré. C’est un empereur proche du peuple, attentif à ses malheurs, que Béranger comme Dulong représentent. Toutefois, la religion n’est jamais bien loin, même en ce cas, et le tableau se présente un peu comme la transcription d’une Madeleine aux pieds du Christ. La jeune Champenoise, illuminée par le feu de la cheminée, apparaît comme touchée par la grâce du grand homme en qui elle a placé toute sa confiance. Napoléon est donc présenté comme le seul capable de sauver la France. Ainsi s’explique le côté luministe de cette scène intime.