Radcliffe Ann – Les Visions du Château des Pyrénées : “La lune découvrait toute l’horreur du pays que l’on traversait. Le courant était bordé d’un côté par des rochers escarpés, et de l’autre par des forêts sombres dont la cime se perdait dans les nues… On parvint à l’entrée d’une immense caverne, dont les profondeurs ne réveillaient que des idées de nuit éternelle et de destruction, et dont les échos sourds, répondant au bruit des rames et au bouillonnement des eaux, redoublaient la terreur des malheureuses captives.” Ainsi Ann Radcliffe nous décrit-elle l’enlèvement de Victoria, l’orpheline du comte Ariosto alors qu’elle tentait de fuir le nouveau mari de sa tante et tutrice, Polydore, comte de Vicence. Car Polydore, rejeton d’une famille puissante, mais maléfique, avait, en dépit de son mariage, des vues sur la jeune et délicate Victoria.
Victoria se retrouve alors prisonnière dans un mystérieux château en bord de mer près de Cadaquès. Des bruits terribles et surnaturels, des apparitions de chevalier noir, des trappes qui s’ouvrent, des escaliers qui s’escamotent, des ponts qui s’ouvrent au-dessus de l’abîme, des statues qui bougent, des souterrains humides et effrayants, des passages dissimulés, des cavernes où la mer afflue …. Ajoutez des faux billets, des lettres qui n’arrivent jamais à destination, un acte de naissance dérobé… et vous aurez tous les ingrédients d’un roman aux multiples rebondissements, un peu à la manière d’un James Bond, où les héros, même quand on les croit perdus, s’en sortent toujours !
Ann Radcliffe, 1764-1823, est une romancière britannique, pionnière du roman gothique. Elle inspirera Walter Scott, Dostoïevski ou Balzac.
Nous avons repris, dans notre titre, l’attribution des « Visions du Château des Pyrénées » à Ann Radcliffe, attribution qui est celle de l’ensemble des éditions françaises. Toutefois, nous devons signaler que l’édition originale anglaise « The romance of the Pyrenees » est signée par Catherine Cuthberston. Pourquoi les éditions françaises ont-elles attribué ce roman à Ann Radcliffe bien qu’il ne fasse pas partie de sa bibliographie reconnue ? Avaient-ils des informations permettant de relier Catherine Cuthberston à Ann Radcliffe ? Ou était-ce simplement parce que cette dernière était plus renommée, hypothèse fort plausible ? Nous n’avons aucune information nous permettant de trancher et nous nous bornons à rééditer notre édition de référence, tout en signalant qu’il est très probable que cette œuvre ne soit pas de Ann Radcliffe.
Mais, au fait, qui était Catherine Cuthberston ? Un grand mystère entoure cette auteure dont on ne sait réellement rien… de sa vie, de sa naissance ou de son décès. Ann Radcliffe était pourtant très discrète sur sa vie, mais la biographie de Catherine Cuthberston ne comporte que des points d’interrogation. Où vivait-elle ? Fut-elle célibataire ? Ou au contraire, mariée, fut-elle la sœur de Helen Craigh ? Quelques auteurs ont prétendu qu’elle se faisait aider par une sœur dans l’écriture de ses romans… Mais de tous les éléments cités ici, rien n’est certain.
Mentionnons encore deux points qui ressortent de la lecture. Tout d’abord, l’action, qui se déroule, pour l’essentiel, près de Cadaquès (dans l’édition française) alors que Ann Radcliffe a voyagé extensivement en Languedoc et dans les Pyrénées. Et ensuite, la construction du roman, qui met en avant des phénomènes fantastiques trouvant une explication rationnelle à la fin, construction typique des œuvres d’Ann Radcliffe, comme l’explique Wikipédia : « It was her technique « the explained supernatural », the final revelation of inexplicable phenomena, that helped the Gothic novel achieve respectability ». Dans tous les cas c’est un très joli roman que nous avons lu avec plaisir et dont nous vous souhaitons une bonne lecture !