La Cellule 158 – La Misère
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 29min | Genre : Nouvelles
Deux histoires tristes sur la prison et la pauvreté sobrement écrites par deux auteurs méconnus distants d’un siècle.
La Cellule 158 (1924) (ou les derniers jours d’un condamné) par le Belge Jean Tousseul (1890-1944) dont la vie fut très pénible (santé et argent).
« Il avait tué au cours d’une rixe un soir de « pardon ». Il avait bu, et dans la mêlée, terrassé sous le nombre, il avait donné si mal son coup de couteau que l’homme en mourut. Lorsqu’il y songeait, six mois après, il en était encore hébété, comme d’un cataclysme qui avait partagé sa vie, bien que la cellule l’eût transformé : le passé seul restait clair jusqu’à ce geste. Mais la détention préventive pendant laquelle le petit cordonnier vécut en attendant une peine sans fin, la mort de sa mère – morte de honte, lui avait-on dit -, l’anonymat où on le tenait ici, les chansons du village qu’il fredonnait en battant la semelle, la partie de cartes du samedi avec le chantre, un pensionné de l’État et l’échevin, le genièvre du pays, les couchers de soleil derrière la drève, le souvenir brûlant d’une amante perdue, les mensonges injurieux de l’avocat de la victime et surtout le geôlier de la troisième section qui le frappait chaque semaine, tout cela avait fait de Nicolas Planquet un être servile et sournois dont la main et les yeux resteraient froids à jamais. »
La Misère (1841) d’Andréas (alias Gabriel Roux, 18?-18?).
« Pauvre mère ! Elle était avant comme beaucoup d’autres femmes, ni plus ni moins malheureuse. Un jour seulement elle s’effraya de la destinée qui l’attendait. La misère s’était assise, pour n’en plus bouger, sur le seuil de sa porte, au cinquième étage. La misère a-t-elle une expression ? Si elle devient l’indigence même, on s’habitue sur-le-champ à la confondre avec le néant. Madame Angel est mère de quatre enfants ; son mari mourut l’an dernier, pris dans l’engrenage d’une machine à vapeur, victime de l’industrie, dans l’atelier où il travaillait pour vivre au jour le jour. L’atelier ne fut pas fermé ; on dit, entre voisins, qu’un ouvrier était mort et qu’il laissait une femme et des enfants ; l’émotion s’arrêta là. La veuve recueillit l’héritage du travailleur : beaucoup de larmes, sans pain, elle lutte contre la misère ; elle est beaucoup plus morte que son mari. »
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