EEKHOUD Georges – Livres Audio
EEKHOUD, Georges – Le Quadrille Du Lancier
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 55min | Genre : Nouvelles
Dans les 12 Contes patibulaires (sur 14) ici publiés, Georges Eekhoud (1854-1927) a moins montré son penchant pour la littérature homosexuelle que dans son œuvre majeure Escal-Vigor qui fit scandale et que dans Le Quadrille du lancier. Il a peint les uranistes avec sympathie, mais il ne faut pas oublier que ce peintre de l’homosexualité masculine est aussi par sa double culture belge et suisse un parfait manieur de la langue française.
Deux échantillons extraits du Quadrille du lancier :
« Et les discordances, la couleur fauve, la frénésie, la continuelle fêlure de cette musique digne du rogomme et des gueulées du voyou, ces cuivres aussi mal embouchés que des escarpes, ce cancan provocateur et cynique sur lequel on venait de lui faire danser le plus macabre des cavalier-seul, viola brusquement sa conscience et convertit son désespoir en un démesuré besoin de représailles ! »
« Et les discordances, la couleur fauve, la frénésie, la continuelle fêlure de cette musique digne du rogomme et des gueulées du voyou, ces cuivres aussi mal embouchés que des escarpes, ce cancan provocateur et cynique sur lequel on venait de lui faire danser le plus macabre des cavalier-seul, viola brusquement sa conscience et convertit son désespoir en un démesuré besoin de représailles ! »
« De trop explicites gazettes lui avaient révélé les mœurs ségoriennes des colonies pénitentiaires. A côté des chambrées de mendiants et de frelampiers, celles de la caserne avec leurs farces risquées et leurs indécentes brimades étaient de virginales nurseries. Les chauffoirs des dépôts de vagabonds perpétuaient les priapées des antiques étuves. Et, comme dans des serres torrides établies pour la culture la plus forcée, on y voyait fleurir des végétations monstrueuses ressuscitées du paganisme ou importées de l’Orient. »
L’orgie sexuelle finale fait frémir :
« L’atmosphère y régnait plus suffocante que l’ozone et plus délétère que la mofette. De livides désirs crépitaient à fleur de peau comme les feux follets sur la tourbière. Ici, le feu de l’enfer prévalait contre le feu du ciel, car nulle part ailleurs les salamandres des ardeurs maudites et des lacs asphaltides ne se traînaient et se mêlaient avec autant d’effronterie. Et à présent le dégradé aspirait à cette vie patibulaire et goûtait par anticipation la cuisante et sinistre tendresse du galérien pour son compagnon de boulet. »
« L’atmosphère y régnait plus suffocante que l’ozone et plus délétère que la mofette. De livides désirs crépitaient à fleur de peau comme les feux follets sur la tourbière. Ici, le feu de l’enfer prévalait contre le feu du ciel, car nulle part ailleurs les salamandres des ardeurs maudites et des lacs asphaltides ne se traînaient et se mêlaient avec autant d’effronterie. Et à présent le dégradé aspirait à cette vie patibulaire et goûtait par anticipation la cuisante et sinistre tendresse du galérien pour son compagnon de boulet. »
EEKHOUD, Georges – Le Tribunal Au Chauffoir
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 1h | Genre : Nouvelles
Les histoires de Le Cycle patibulaire (1892) antérieurement lues ici ne trahissent pas vraiment, à part Le Tatouage et Le Suicide par amour, l’uranisme de Georges Eekhoud qui provoquera avec Escal-Vigor (1899), un des premiers romans modernes qui traite de l’homosexualité, un scandale et se terminera par un procès à huis-clos et l’acquittement de l’auteur.
Le Tribunal au chauffoir dédié « À Monsieur Oscar Wilde, au Poète et au Martyr Païen torturé au nom de la Justice et de la Vertu Protestantes », aboutit, sans détours cette fois, à une apologie de l’homosexualité masculine défendue, devant un tribunal improvisé composé de détenus dans un pénitencier, par un bon avocat et acceptée sans contestation par les assistants, sauf par un seul riche insolent et injurieux qui paiera cher son homophobie…
Mais il ne faut pas oublier que notre poète belge a des délicatesses infinies pour décrire les infortunes, comme le prouvent les autres confessions de cette parodie de tribunal.
Quant au reste,
« Que les temps sont changés ! » disait Abner (Racine, Athalie, scène I)…
« Que les temps sont changés ! » disait Abner (Racine, Athalie, scène I)…
EEKHOUD, Georges – Blanchelive, Blanchelivette
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 23min | Genre : Contes
Ne vous laissez pas abuser par le titre Blanchelive, Blanchelivette… Ce conte n’est pas pour la jeunesse ; il appartient au Cycle patibulaire de l’écrivain belge Georges Eekhoud (1854-1927) dont les récits sont souvent proches, par leur ton et leur lyrisme monstrueux, des Chants de Maldoror qui ne furent jamais diffusés du vivant de leur auteur Isidore Ducasse, comte de Lautréamont (1846-1870).
« Aussitôt un être furtif et fringant débuche du bouquet d’arbres et se campe, moite, lubrifié, dans l’évaporation opaline de la rosée :
La dégaîne et la mine d’un apprenti sans atelier, d’un jeune batteur d’estrades, d’un dénicheur d’oiseaux. Dix-huit ans tout au plus. Les cheveux courts et drus avançant sur un front bas, et tirant sur le pelage de la loutre, un de ces teints basanés ragoûtants comme le pain de seigle, de grands yeux mordorés frangés de longs cils, le regard veloureux et magnétique ; le nez busqué aux ailes mobiles, aux narines frétillantes ; la bouche vineuse et friande.
La dégaîne et la mine d’un apprenti sans atelier, d’un jeune batteur d’estrades, d’un dénicheur d’oiseaux. Dix-huit ans tout au plus. Les cheveux courts et drus avançant sur un front bas, et tirant sur le pelage de la loutre, un de ces teints basanés ragoûtants comme le pain de seigle, de grands yeux mordorés frangés de longs cils, le regard veloureux et magnétique ; le nez busqué aux ailes mobiles, aux narines frétillantes ; la bouche vineuse et friande.
[...] Sans qu’il eût l’air de s’en douter, ce charmeur de pinsons était bel et bien en train de fasciner et de troubler, jusqu’au tréfond de la conscience, cette femme riche, mondaine, occupant, certes, une haute position sociale. Bientôt je fus même intimement convaincu que c’était malgré lui que le luron débraillé excitait l’attention intense de cette hautaine promeneuse. Aussi extraordinaire que paraisse ce phénomène, le gars ignorait absolument la perturbation qu’il causait, lui, le maraud surflétri, en cette aristocratique et considérable personne. Pourtant le gaillard n’en était pas à sa première aventure galante. »
Assistez à la rencontre poétiquement et sensuellement décrite de ce couple insolite.
EEKHOUD, Georges – Croix Processionnaires – Hiep-Hioup !
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 50min | Genre : Contes
Georges Eekhoud nous propose ici deux nouveaux Contes patibulaires (terme synonyme d’inquiétant, menaçant, louche, suspect, sinistre, terrifiant).
Croix processionnaires
Devant le cimetière proche d’un pénitencier :
« Combien de dépouilles gueuses engraissent ce sol inculte : carcasses ravagées de routiers endurcis ou savoureuses pulpes de novices !… Pas plus que le couperet ne nombre les têtes des guillotinés, ces douze croix ne comptent les tertres qu’elles foulent en passant…
À chaque décès le fossoyeur déracine la croix du plus ancien des douze derniers morts, et en surmonte la nouvelle tombe anonyme…
Mieux que moi vous savez combien le paysan de cette contrée incline au merveilleux… C’est de leur propre gré que ces croix s’ébranleraient une à une pour rôder à travers la campagne. »
Devant le cimetière proche d’un pénitencier :
« Combien de dépouilles gueuses engraissent ce sol inculte : carcasses ravagées de routiers endurcis ou savoureuses pulpes de novices !… Pas plus que le couperet ne nombre les têtes des guillotinés, ces douze croix ne comptent les tertres qu’elles foulent en passant…
À chaque décès le fossoyeur déracine la croix du plus ancien des douze derniers morts, et en surmonte la nouvelle tombe anonyme…
Mieux que moi vous savez combien le paysan de cette contrée incline au merveilleux… C’est de leur propre gré que ces croix s’ébranleraient une à une pour rôder à travers la campagne. »
Hiep-Hioup ! est une sombre nouvelle qui, dès le début, semble devoir mal finir :
« Jakkè Overmaat, l’air réservé, plus grave que son âge, était une sorte d’oracle pour sa paroisse. Le caractère ecclésiastique qu’il avait failli revêtir ajoutait à son prestige… S’il tenait à distance les familiers, il ne se connaissait aucun ennemi et pas une mère qui ne l’eût rêvé pour gendre. »
Il rencontre, pour son malheur, car il en devient amoureux, une fille « grande pièce, dégingandée, maigrichonne, les cheveux ébouriffés luisant comme du charbon, l’ovale allongé du masque troué de deux yeux noirs comme l’orage, toute sa personne serpentine travaillée par un brasier intérieur…
Les villageois l’avaient appelée Hiep-Hioup ! à cause de ses interjections favorites qu’elle accompagnait d’un entrechat et d’un claquement des doigts, et bientôt elle ne fut plus connue que sous ce sobriquet… Cette paroissienne devait avoir fatalement maille à partir avec Jakkè Overmaat. »
Il rencontre, pour son malheur, car il en devient amoureux, une fille « grande pièce, dégingandée, maigrichonne, les cheveux ébouriffés luisant comme du charbon, l’ovale allongé du masque troué de deux yeux noirs comme l’orage, toute sa personne serpentine travaillée par un brasier intérieur…
Les villageois l’avaient appelée Hiep-Hioup ! à cause de ses interjections favorites qu’elle accompagnait d’un entrechat et d’un claquement des doigts, et bientôt elle ne fut plus connue que sous ce sobriquet… Cette paroissienne devait avoir fatalement maille à partir avec Jakkè Overmaat. »
EEKHOUD, Georges – Partialité
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 30min | Genre : Nouvelles
Eekhoud, dans cette autre nouvelle extraite du Cycle patibulaire, nous entraîne en Campine où se situait aussi le Moulin-horloge des travailleurs semblables à des forçats.
Partialité relate, dans un style souvent poétique, ses souvenirs et ses pensées lors d’une promenade avec sa bien-aimée au milieu d’une population hostile.
« Et, brusquement, de tomber sur un attroupement de jeunes blousiers, campés sous un tilleul centenaire pour voir défiler leurs savoureuses paroissiennes, avant de se répandre dans les estaminets…
C’était eux :
Les patauds très entreprenants, ennemis jurés de la ville et des œuvres urbaines, les gaillards exubérants, mais sans aucune urbanité, les réfractaires que nous signalaient, depuis des heures, à la suite du cuistreux journal, le ciel bougon, la campagne haletante, la pluie trop tiède et les sèves exaltées. »
Les patauds très entreprenants, ennemis jurés de la ville et des œuvres urbaines, les gaillards exubérants, mais sans aucune urbanité, les réfractaires que nous signalaient, depuis des heures, à la suite du cuistreux journal, le ciel bougon, la campagne haletante, la pluie trop tiède et les sèves exaltées. »
« Plutôt troublé que gêné, sans la moindre rancune contre ces rustauds, je m’abstins de te parler de l’incident, craignant autant d’épiloguer sur leur licence, que d’avouer ma blâmable partialité à leur égard. »
Le mot-titre est lâché…
EEKHOUD, Georges – Le Tatouage – Le Moulin-Horloge
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 40min | Genre : Nouvelles
Ces deux nouvelles du Cycle patibulaire, comme les cinq déjà publiées, montrent la profonde sympathie qu’Eekhoud éprouve pour les exclus et les parias de la société : déclassés, chômeurs, vagabonds, criminels et homosexuels.
Le Tatouage témoigne de la mauvaise réputation, en 1895, de ce genre d’ornementation et aussi de la réprobation populaire de l’homosexualité :
« En le contemplant de plus près, je m’aperçus que la poitrine, le dos et les bras du jeune gars étaient complètement tatoués de curieux et grossiers emblèmes, de devises en langues et en argots divers qui le tigraient de leurs rébus et de leurs hiéroglyphes. »
« En le contemplant de plus près, je m’aperçus que la poitrine, le dos et les bras du jeune gars étaient complètement tatoués de curieux et grossiers emblèmes, de devises en langues et en argots divers qui le tigraient de leurs rébus et de leurs hiéroglyphes. »
Le Moulin-horloge est l’étrange description, au style parfait de poème en prose, d’un moulin, situé « à Merxplas, là-bas, tout au fond de la Campine » (aux environs d’Anvers), que des malheureux, tels des forçats, actionnent :
« Il y a cinq ans, je vis ce moulin-horloge, et depuis, ne parviens pas à l’oublier, et depuis, mon pain pétri de farine peu suspecte a contracté une indélébile amertume de larmes et de sueur ; et depuis, toutes mes heures sonnent au cadran des irréguliers, et comme une épave, je flotte à la dérive… Je sais un moulin sinistre que desservent d’incompatibles moulants maillotés de gris terreux et de fauve comme des bêtes puantes… Je sais un moulin broyant le pain de l’infamie, je sais une horloge aux rouages de chair pantelante, aux mouvements saccadés comme un spasme. Horloge et moulin ne font qu’un…
Le moulin-horloge marque une heure exclusive à des trappistes involontaires. On les a parqués et numérotés, ils sont plus de deux mille. »
« Il y a cinq ans, je vis ce moulin-horloge, et depuis, ne parviens pas à l’oublier, et depuis, mon pain pétri de farine peu suspecte a contracté une indélébile amertume de larmes et de sueur ; et depuis, toutes mes heures sonnent au cadran des irréguliers, et comme une épave, je flotte à la dérive… Je sais un moulin sinistre que desservent d’incompatibles moulants maillotés de gris terreux et de fauve comme des bêtes puantes… Je sais un moulin broyant le pain de l’infamie, je sais une horloge aux rouages de chair pantelante, aux mouvements saccadés comme un spasme. Horloge et moulin ne font qu’un…
Le moulin-horloge marque une heure exclusive à des trappistes involontaires. On les a parqués et numérotés, ils sont plus de deux mille. »
EEKHOUD, Georges – La Bonne Leçon
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 35min | Genre : Nouvelles
La Bonne Leçon, cinquième extrait du Cycle patibulaire, est une nouvelle occasion pour Eekhoud de condamner, dans un style somptueux parfois, la société, ici l’italienne. Pendant une pause, devant sa classe de petiots, l’institutrice se laisse aller à rêver : « La pauvre, à l’âme bonne et passionnée, profite de cette trêve pour rimer des chansons douces et pitoyables. Cette atmosphère des miséreux en fleur, des enfonçons de parias lui inspire des choses compatissantes et navrées, et ce premier âge du serf rural, ces germes d’humanité taillable et corvéable l’induisent en de douloureux attendrissements, car elle songe à ce qui devrait être et à ce qui ne sera pas encore pour tous ces êtres si neufs et si candides. » Que deviendront ces gosses de pauvres ?
« Elle a dansé la courtisane, monstrueuse, l’infâme fortune ! Qui te pardonnera lorsque clame et rugit, et glapit, lorsque s’élève le cri de tout l’or menacé, des affameurs. Les ventres et les coffres ne peuvent te refuser à la bête dansante. Et tous les tiens que la ballerine aurait pu porter sur les fiers pavois de la liberté et de l’abondance, les beaux gars qu’elle aurait pu exalter dans une apothéose de félicité suprême, elle préfère les affamer, les vieillir, les faner avant le terme. Pour orchestre la cascadeuse sinistre réclame les râles des meurt-de-faim, les cris des suppliciés de l’industrie et des bagnes militaires, les détonations des fusillades fratricides, les explosions des chaudières et des grisous ! Elle danse, elle danse devant les vieillards-cerviers aux doigts rapaces et crochus, dont la luxure convoite l’or, toujours l’or… Trembleurs et lâches, énervés par ses voltiges, ils n’ont rien à refuser à la danseuse immonde ! Oui, prends sa tête, société pourrie, blasphématrice de la bonté, régale-toi, gorge-toi de cette jeunesse, ô pieuvre dont la beauté n’existe que pour les négateurs de la justice et de la lumière ! À la curée ! La guillotine est là. Dépêchons !… »
EEKHOUD, Georges – Gentillie
Donneur de voix : René Depasse | Durée : 1h | Genre : Nouvelles
Gentillie est une histoire troublante de possession et d’envoûtement érotique extraite du Cycle patibulaire (1892) et rappelant par son atmosphèreLe Suicide par amour.
Le triste destin de Gentillie battue par sa mère, battue par son amant et battue par son fils se déroule lentement sous nos yeux.
Le triste destin de Gentillie battue par sa mère, battue par son amant et battue par son fils se déroule lentement sous nos yeux.
« Cependant Gentillie s’entête. Elle paraît sourde, aveugle, insensible à tout ce qui se passe autour d’elle. Exhortations, menaces, bourrades, autant de moyens essayés en pure perte. C’est comme si plus rien n’avait prise sur son être ensorcelé. »
« Foulée comme la dernière des serves, elle peine, laboure, s’exténue vaillamment, sans une plainte, sans un mot, soutenue par on ne sait quelle force surhumaine. »
« Foulée comme la dernière des serves, elle peine, laboure, s’exténue vaillamment, sans une plainte, sans un mot, soutenue par on ne sait quelle force surhumaine. »