On ne peut que souscrire aux éloges de Sully-Prudhomme jugeant le recueil Au-delà d’Alice de Chambrier, jeune poétesse suisse, morte en 1882 à 21 ans d’un coma diabétique : « La facture de ses vers n’est pas molle et banale comme l’est habituellement la versification des jeunes filles. La distinction singulière de ses pensées et de ses sentiments s’est communiquée à son style par un don naturel d’appropriation des mots aux choses, du mouvement de la phrase à l’émotion, qui me surprend vivement. [...] L’accent est toujours si vrai, si intime, si touchant dans les poésies de cette pauvre enfant, qu’on y sent son âme comme à nu, et c’est une riche et belle âme. »
Sa discrétion et son âge l’ont fait peu connaître ; elle ne cherchait pas le public et était décidée à ne pas imprimer ses poésies avant ses trente ans. Les dix textes lus sont les premiers des soixante -dix du posthume Au-delà, composé à Bevaix (canton de Neuchâtel) ; on y trouve ce distique qui s’applique à cette humble poétesse grandie par sa disparition si précoce :
« Oui, la mort qui s’approche, implacable et farouche,
La mort, noir ennemi, grandit ce qu’elle touche. »