L’HÔTEL DES INVALIDES
CONTEXTE HISTORIQUE
Une pièce d’un programme iconographique politique
Voulue par Louis XIV, l’édification de l’hôtel des Invalides au sud-ouest de Paris est commandée par le ministre de la guerre Louvois et confiée à l’architecte Libéral Bruant en 1670. La construction dure plusieurs années. En avril 1674, le roi promulgue un édit fondant l’hôtel royal des Invalides « pour le logement, subsistance & entretenement [entretien] de tous les Officiers & Soldats de nos Troupes, qui ont esté & seront estropiez, ou qui ayant vieilli dans le service en icelles, ne seront plus capables de Nous en rendre ». Le lieu est conçu comme un véritable hospice pour des hommes ayant donné une partie de leur vie au service du royaume et de sa gloire militaire. Jules-Hardouin Mansart en exécute l’église, qui n’est inaugurée par le roi qu’en 1706 (le gros œuvre ayant été achevé en 1691).
Le peintre Pierre Dulin (1669-1748), élève de Charles Le Brun, reprend la même thématique que celle que son maître avait déjà utilisée pour célébrer l’édification de ce bâtiment au plafond de la galerie des Glaces (dans un ovale représentant la Piété entourée de soldats qu’elle récompense de ses bienfaits et accompagnée de Minerve). Il développe toutefois la scène et y mêle hommes et allégories. Il s’agit d’une huile sur toile peinte à une date incertaine – entre 1710 et 1715 – afin de servir de carton à une tapisserie réalisée dans l’atelier de haute lisse de La Tour entre 1716 et 1725. La tapisserie s’inscrit dans la continuité du cycle produit par la manufacture des Gobelins à partir de 1665 pour célébrer les hauts faits de Louis XIV (première pièce de la cinquième série de la tenture de l’Histoire du Roy). Pour donner une plus grande intensité à la scène représentée, Dulin imbrique plusieurs moments distincts : la présentation des plans au roi (1670), la construction du monument (1671-1706), l’accueil des premiers invalides (octobre 1674).
Voulue par Louis XIV, l’édification de l’hôtel des Invalides au sud-ouest de Paris est commandée par le ministre de la guerre Louvois et confiée à l’architecte Libéral Bruant en 1670. La construction dure plusieurs années. En avril 1674, le roi promulgue un édit fondant l’hôtel royal des Invalides « pour le logement, subsistance & entretenement [entretien] de tous les Officiers & Soldats de nos Troupes, qui ont esté & seront estropiez, ou qui ayant vieilli dans le service en icelles, ne seront plus capables de Nous en rendre ». Le lieu est conçu comme un véritable hospice pour des hommes ayant donné une partie de leur vie au service du royaume et de sa gloire militaire. Jules-Hardouin Mansart en exécute l’église, qui n’est inaugurée par le roi qu’en 1706 (le gros œuvre ayant été achevé en 1691).
Le peintre Pierre Dulin (1669-1748), élève de Charles Le Brun, reprend la même thématique que celle que son maître avait déjà utilisée pour célébrer l’édification de ce bâtiment au plafond de la galerie des Glaces (dans un ovale représentant la Piété entourée de soldats qu’elle récompense de ses bienfaits et accompagnée de Minerve). Il développe toutefois la scène et y mêle hommes et allégories. Il s’agit d’une huile sur toile peinte à une date incertaine – entre 1710 et 1715 – afin de servir de carton à une tapisserie réalisée dans l’atelier de haute lisse de La Tour entre 1716 et 1725. La tapisserie s’inscrit dans la continuité du cycle produit par la manufacture des Gobelins à partir de 1665 pour célébrer les hauts faits de Louis XIV (première pièce de la cinquième série de la tenture de l’Histoire du Roy). Pour donner une plus grande intensité à la scène représentée, Dulin imbrique plusieurs moments distincts : la présentation des plans au roi (1670), la construction du monument (1671-1706), l’accueil des premiers invalides (octobre 1674).
ANALYSE DES IMAGES
La fondation des Invalides bénie des dieux
Une scène centrale légèrement surélevée divise la toile en deux parties. À gauche, devant un groupe de cavaliers sur fond de campagne se détachent deux hommes en perruque. Il s’agit des deux architectes successifs, Libéral Bruand (à gauche) et Jules Hardouin-Mansart (à droite). À droite, un groupe de soldats et officiers blessés sont conduits par la Victoire ailée porteuse d’une couronne de laurier vers la scène centrale. À l’arrière-plan, l’hôtel royal est encore en construction, mais le dôme de l’église est achevé.
À la jonction de ces deux mondes, celui des soldats valides (la guerre), et celui des soldats estropiés (retour à la paix), un groupe de trois courtisans entoure le roi et le ministre de la guerre. Louvois, au centre exact de la toile, montre le plan des Invalides à Louis XIV, dont la grande taille, le port du chapeau et de la canne, le cordon de l’ordre du Saint-Esprit ainsi que la mise en lumière témoignent de sa souveraineté. Entre les courtisans en perruque et les cavaliers, les généraux victorieux Turenne et le prince de Condé semblent constituer un trait d’union symbolique entre la cour et la guerre.
Une déesse antique et trois allégories se mêlent aux hommes et montrent que l’entreprise royale bénéficie des auspices divins. Minerve, déesse casquée de la guerre et de l’intelligence, soutient l’entreprise de Louvois ; la Victoire mène les invalides ; la Renommée brandit l’oriflamme et sonne de la trompette dans un nuage qui sépare l’arrière-plan en deux ; la femme portant le plan est peut-être une allégorie de l’architecture.
Une scène centrale légèrement surélevée divise la toile en deux parties. À gauche, devant un groupe de cavaliers sur fond de campagne se détachent deux hommes en perruque. Il s’agit des deux architectes successifs, Libéral Bruand (à gauche) et Jules Hardouin-Mansart (à droite). À droite, un groupe de soldats et officiers blessés sont conduits par la Victoire ailée porteuse d’une couronne de laurier vers la scène centrale. À l’arrière-plan, l’hôtel royal est encore en construction, mais le dôme de l’église est achevé.
À la jonction de ces deux mondes, celui des soldats valides (la guerre), et celui des soldats estropiés (retour à la paix), un groupe de trois courtisans entoure le roi et le ministre de la guerre. Louvois, au centre exact de la toile, montre le plan des Invalides à Louis XIV, dont la grande taille, le port du chapeau et de la canne, le cordon de l’ordre du Saint-Esprit ainsi que la mise en lumière témoignent de sa souveraineté. Entre les courtisans en perruque et les cavaliers, les généraux victorieux Turenne et le prince de Condé semblent constituer un trait d’union symbolique entre la cour et la guerre.
Une déesse antique et trois allégories se mêlent aux hommes et montrent que l’entreprise royale bénéficie des auspices divins. Minerve, déesse casquée de la guerre et de l’intelligence, soutient l’entreprise de Louvois ; la Victoire mène les invalides ; la Renommée brandit l’oriflamme et sonne de la trompette dans un nuage qui sépare l’arrière-plan en deux ; la femme portant le plan est peut-être une allégorie de l’architecture.
INTERPRÉTATION
Louis XIV entre guerre et paix
La fondation de l’hôtel des Invalides correspond à la reconnaissance par le roi de la contribution des soldats à sa gloire militaire. La thématique de la sollicitude de Louis XIV envers ses soldats est courante dans l’iconographie du règne et vient contrebalancer l’image d’un roi avide de gloire personnelle et prompt à récompenser les seuls généraux. Louis XIV apparaît ici davantage encore en roi de paix soucieux de la réintégration des soldats invalides qu’en roi de guerre victorieux. Il illustre deux vertus, la charité et la justice, tout en contribuant indistinctement à son propre prestige et à celui de son royaume. L’image martiale du roi de guerre est ainsi détournée au profit d’une mise en scène délibérément plus positive du roi préoccupé par le sort de ses sujets.
Il faut prouver dix années de service pour accéder aux Invalides. La vie des quatre mille pensionnaires admis sur dossier y respecte l’ordre militaire et la rigueur religieuse. La place de l’église est au centre de l’ensemble architectural. On y distingue deux accès : intérieur pour les estropiés et extérieur pour le roi. Cette place caractérise les Invalides comme lieu de salut pour les soldats mais aussi pour le roi, afin de racheter leur sacrifice. En assurant une fin de vie décente à une partie (dérisoire il faut l’admettre…) de ses anciens soldats, le roi répond à un impératif social, alors que le poids de la guerre sur les populations est croissant.
Par la relégation physique à l’arrière-plan des généraux, aussi prestigieux fussent-ils (Condé et Turenne), au profit du ministre Louvois, l’artiste rend compte du passage d’un âge guerrier de l’héroïsme et de la bravoure au feu à un âge militaire dominé par la technique et logistique, et dirigé depuis les bureaux de Versailles.
La fondation de l’hôtel des Invalides correspond à la reconnaissance par le roi de la contribution des soldats à sa gloire militaire. La thématique de la sollicitude de Louis XIV envers ses soldats est courante dans l’iconographie du règne et vient contrebalancer l’image d’un roi avide de gloire personnelle et prompt à récompenser les seuls généraux. Louis XIV apparaît ici davantage encore en roi de paix soucieux de la réintégration des soldats invalides qu’en roi de guerre victorieux. Il illustre deux vertus, la charité et la justice, tout en contribuant indistinctement à son propre prestige et à celui de son royaume. L’image martiale du roi de guerre est ainsi détournée au profit d’une mise en scène délibérément plus positive du roi préoccupé par le sort de ses sujets.
Il faut prouver dix années de service pour accéder aux Invalides. La vie des quatre mille pensionnaires admis sur dossier y respecte l’ordre militaire et la rigueur religieuse. La place de l’église est au centre de l’ensemble architectural. On y distingue deux accès : intérieur pour les estropiés et extérieur pour le roi. Cette place caractérise les Invalides comme lieu de salut pour les soldats mais aussi pour le roi, afin de racheter leur sacrifice. En assurant une fin de vie décente à une partie (dérisoire il faut l’admettre…) de ses anciens soldats, le roi répond à un impératif social, alors que le poids de la guerre sur les populations est croissant.
Par la relégation physique à l’arrière-plan des généraux, aussi prestigieux fussent-ils (Condé et Turenne), au profit du ministre Louvois, l’artiste rend compte du passage d’un âge guerrier de l’héroïsme et de la bravoure au feu à un âge militaire dominé par la technique et logistique, et dirigé depuis les bureaux de Versailles.