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samedi 13 octobre 2012

Ko harmonika zapoje - Une jeune accordéoniste Vidéo !

Anni & Rosmarie - Kufsteiner Lied Vidéo !

             Anni & Rosmarie - Kufsteiner Lied           






Alpenspektakel - Hagl Polka Vidéo !

                            Alpenspektakel - Hagl Polka               



Goldried Quintett - Der Paul und sein Gaul Vidéo !

Preizkus totter midija - Une jeune accordéoniste Vidéo !

Picador100 - La Cajoleuse Valse Vidéo !

                         Picador100 - La Cajoleuse   Valse            




mardi 2 octobre 2012

Alphonse Allais - Livres à consulter !

           Alphonse Allais - Livres et extraits à consulter         


Cliquer sur chaque titre pour voir le livre, ou l'extrait :

Le chambardoscope :           Le bec en l’air :
Abus de Pouvoir  :                Deux et deux font cinq :     
A se Tordre:                         Aphasie :
Blagues :                              Black Christmas :
Colydor :                              Boisflambard :
Cruelle énigme :                  Contes humoristiques :
Esthetic :                             En voyage :
Faits Divers :                       Étourderie :
Fausse manœuvre :              Famille :
La Vapeur :                          Ferdinand : 
Amours d'escale :                La bonne fille : 
La vie drôle:                        L'autographe homicide : 
La jeune fille et le vieux cochon:   La Vrai Maîtresse légitime :   


lundi 1 octobre 2012

Arthur Conan Doyle - LA PENSIONNAIRE VOILÉE Livre !

Arthur Conan Doyle - LA PENSIONNAIRE VOILÉE





Arthur Conan Doyle
1859-1930

LA PENSIONNAIRE VOILÉE

Les Archives de Sherlock Holmes
(janvier 1927)





Zone de Texte: Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits »

Table des matières



La pensionnaire voilée.............................................................3
Toutes les aventures de Sherlock Holmes.............................20
À propos de cette édition électronique..................................23
La pensionnaire voilée
Si l'on veut bien songer que M. Sherlock Holmes a exercé son
activité pendant vingt-trois ans et que pendant dix-sept de ces
vingt-trois ans j'ai pu collaborer avec lui et prendre des notes sur
ses exploits, on conviendra que je dispose d'une masse
considérable de documents. Le problème n'est donc pas de
trouver, mais de choisir. Voici par exemple la longue rangée des
agendas qui remplit toute une étagère. Et voici des malles et des
valises bourrées de papiers : de quoi ravir non seulement
l'étudiant en criminologie, mais aussi tous les amateurs de
scandales sociaux et officiels de la fin de l'ère victorienne. Mais
que se rassurent les auteurs de lettres angoissées qui nous
supplient de ne pas compromettre l'honneur de leurs familles ni
la réputation d'un aïeul célèbre : ils n'ont rien à craindre ! La
discrétion et le sentiment élevé de ses devoirs professionnels qui
ont toujours animé mon ami président à notre choix : aucun abus
de confiance ne sera commis. Toutefois je désapprouve
formellement de récentes tentatives en vue de s'emparer et de
détruire ces papiers. Je connais leur origine. Je suis autorisé par
M. Holmes à déclarer que si elles se renouvellent, toute l'histoire
du politicien, du phare et du cormoran sera livrée à la curiosité du
public. A bon entendeur, salut !



Il serait déraisonnable de supposer que chacune des affaires
que traita Holmes lui fournît l'occasion de déployer les dons
exceptionnels d'intuition et d'observation que je me suis efforcé
de mettre en lumière. Tantôt il devait se donner beaucoup de mal
pour cueillir le fruit, tantôt il n'avait qu'à se baisser pour le
ramasser. Mais c'est souvent dans les affaires qui le mirent le
moins en évidence que nous entrevîmes des tragédies humaines
particulièrement terribles ; je vais en analyser une ; j'ai
légèrement modifié les noms et les lieux, mais je rapporterai les
faits sans en rien changer.



Un matin de la fin de l'année 1896, je reçus un billet pressant
de Holmes réclamant ma présence à Baker Street. Quand
j'arrivai, je le trouvai assis dans une atmosphère lourde de fumée


de tabac en face d'une femme assez mûre qui avait le type
conventionnel de la logeuse londonienne.



– Voici Mme Merrilow, de South Brixton, m'annonça mon
ami. La fumée ne gêne pas Mme Merrilow ; aussi, Watson, si vous
voulez vous livrer à votre vice abominable… Mme Merrilow a une
histoire intéressante à nous conter, et cette histoire peut fort bien
avoir des développements à propos desquels votre présence serait
utile.



– À votre disposition.



– Vous comprenez, madame Merrilow, que si je vais voir
Mme Ronder, je préfère avoir un témoin. Vous aurez à l'en
persuader avant notre visite.



– Que Dieu vous bénisse, monsieur Holmes ! s'écria la
logeuse. Elle désire tant vous voir que vous pourriez vous faire
accompagner de tout le quartier.



– Nous irons donc au début de l'après-midi. Voyons si nous
possédons tous les éléments du problème. En repassant notre
leçon, nous aiderions le docteur Watson à réaliser la situation.
Vous dites que Mme Ronder est votre pensionnaire depuis sept
ans, et que vous n'avez vu qu'une fois sa figure ?



– Et c'a été une fois de trop, monsieur Holmes !



– Elle était, je crois, horriblement abîmée ?



– Mon Dieu, monsieur Holmes, on pourrait à peine dire que
c'était une figure ! Notre laitier l'a aperçue une fois qui regardait
par la fenêtre : il en a laissé tomber son seau, et tout le lait s'est
répandu dans le jardin. Voilà le genre de figure qu'elle a. Quand je
l'ai vue (elle ne s'était pas doutée que j'entrais chez elle), elle s'est
rapidement couvert le visage et elle m'a dit :




» – Maintenant, madame Merrilow, vous comprenez enfin
pourquoi je ne lève jamais mon voile.



– Connaissez-vous quelque chose sur son passé ?



– Rien du tout !



– Quand elle est arrivée, vous a-t-elle fourni des références ?



– Non, monsieur. Mais elle m'a réglé comptant, et une bonne
partie d'avance, sans discuter les conditions. Par les temps que
nous vivons, une pauvre femme comme moi ne peut pas s'offrir le
luxe de tourner le dos à une chance pareille.



– Vous a-t-elle dit pourquoi elle avait choisi votre maison ?



– Ma maison est située assez loin de la route, et elle est plus
isolée que beaucoup. Et puis je n'ai qu'une pensionnaire, et je suis
sans famille. Je crois qu'elle en avait essayé d'autres et que la
mienne lui a convenu davantage. C'est une sorte de retraite
qu'elle cherche ; elle est disposée à payer pour l'avoir.



– Vous dites qu'elle n'a jamais montré son visage sauf en une
seule occasion fortuite. Hé bien ! c'est assez extraordinaire ! Je ne
m'étonne pas que vous vouliez savoir de quoi il s'agit.



– Oh ! cela m'est égal, monsieur Holmes ! Moi, du moment
que je perçois mon loyer… Impossible de trouver un locataire plus
tranquille et qui vous donne moins d'embarras !



– Alors qu'est-ce qui vous a décidée ?



– Sa santé, monsieur Holmes. Elle dépérit. Et elle garde
quelque chose de terrible dans la tête. « C'est un meurtre ! Un
assassinat ! » crie-t-elle. Et je l'ai entendue une fois : « Bête


féroce ! Monstre ! » qu'elle criait. C'était la nuit ; sa voix se
répercutait dans toute la maison ; j'en avais des frissons ! Alors je
suis allée la voir le lendemain et je lui ai dit :



» – Madame Ronder, si vous avez quelque chose qui vous
trouble l'âme, il y a le curé et il y a la police. De l'un des deux vous
devriez tirer assistance !



» Elle m'a répondu :



» – Pour l'amour de Dieu, pas la police ! Et le curé ne pourrait
rien changer au passé…



» Et puis elle a ajouté :



» – Tout de même, je serais soulagée si quelqu'un connaissait
la vérité avant que je meure.



» Alors j'ai dit :



» – Si vous ne voulez pas de la police officielle, il y a ce
monsieur détective dont tout le monde parle…



» Je vous demande pardon, monsieur Holmes ! Et elle, elle a
sauté sur l'idée :



» – C'est l'homme qu'il me faut ! Comment n'ai-je pas pensé à
lui plus tôt ? Faites-le venir, madame Merrilow ! Et s'il ne veut
pas se déranger, dites-lui que je suis la femme de Ronder le
dompteur. Dites-le-lui, et communiquez-lui le nom d'Abbas
Parva.



» Elle m'a écrit le nom et elle a conclu :



» – Cela le fera venir, s'il est bien tel que je me le représente.




– Et j'irai ! fit Holmes. Très bien, madame Merrilow.
J'aimerais avoir une petite conversation avec le docteur Watson :
elle nous mènera jusqu'à l'heure du déjeuner. Vers trois heures
nous serons chez vous à Brixton.



À peine notre visiteuse avait-elle quitté la pièce que Sherlock
Holmes bondit avec une énergie farouche sur la pile des recueils
de faits notables qu'il entassait par terre dans un coin. Pendant
quelques minutes, le bruit des pages qu'il feuilletait emplit le
salon ; un grognement de satisfaction m'apprit qu'il avait mis la
main sur ce qu'il cherchait. Il était si énervé qu'il ne prit pas la
peine de se relever : il s'assit sur le plancher comme un étrange
bouddha : jambes croisées, et entouré de gros livres dont l'un
était ouvert sur ses genoux.







– L'affaire à l'époque me tourmenta, Watson. Voici mes notes
marginales qui sont là pour en témoigner. J'avoue que je n'ai rien
pu en tirer. Et pourtant j'étais convaincu que le coroner se
trompait. Avez-vous gardé le souvenir de la tragédie d'Abbas
Parva ?




– Pas le moindre, Holmes.



– Et cependant, en ce temps-là, vous viviez avec moi ! Mais
mon impression personnelle a dû être très superficielle,
puisqu'on n'a rien pu établir et que d'ailleurs aucune des parties
n'avait loué mes services. Peut-être voudriez-vous lire ces
journaux ?



– Si plutôt vous faisiez le point ?



– Ce sera facile. Les faits vont vous revenir. Ronder était un
personnage connu : rival de Wombwell et de Sanger, l'un des plus
grands directeurs de ménagerie de son temps. Mais il se mit à
boire ; son cirque et lui étaient sur le déclin quand survint la
grande tragédie. La troupe s'était arrêtée pour un soir à Abbas
Parva, petit village du Berkshire ; elle se dirigeait vers
Wimbledon, voyageait par la route, et elle avait campé
simplement, sans monter un spectacle, car il y avait si peu
d'habitants à Abbas Parva qu'elle n'aurait pas couvert les frais
d'une représentation.



» Parmi les bêtes, il y avait un très beau lion d'Afrique du
Nord, Sahara King. Ronder et sa femme avaient l'habitude de
s'exhiber dans sa cage. Voici une photographie prise au cours
d'une représentation. Vous observerez que Ronder était un
colosse très porcin, tandis que sa femme était remarquablement
belle. L'enquête établit que Sahara King avait manifesté certaines
velléités inquiétantes ; mais, selon la coutume, la familiarité avec
les fauves entraîna une confiance excessive, et ils ne tinrent pas
compte de ces symptômes.



» Chaque nuit, Ronder ou sa femme allait nourrir le lion.
Parfois l'un des deux y allait seul ; parfois ils se dérangeaient tous
les deux ; mais jamais ils ne permirent à quelqu'un de les
remplacer ; ils croyaient en effet que tant qu’ils seraient ses
nourriciers, le lion les considérerait comme des bienfaiteurs et ne


les molesterait jamais. Ce soir-là, il y a sept ans, ils se rendirent
tous deux dans la cage ; un accident épouvantable se produisit ;
ses détails n'ont jamais été tout à fait éclaircis.



» Il semble que toute la caravane ait été réveillée vers minuit
par les rugissements du fauve et les hurlements de la dompteuse.
Les divers valets et employés se précipitèrent hors de leurs tentes
avec des lanternes ; un spectacle affreux les attendait. Ronder
gisait, le crâne fracassé avec de profondes traces de griffes en
travers de son cuir chevelu, à quelque dix mètres de la cage, qui
était ouverte. Près de la porte, Mme Ronder était allongée sur le
dos : le fauve était accroupi et grondait au-dessus d'elle. Il lui
avait déchiré le visage avec une telle cruauté qu'il paraissait
impossible qu'elle pût survivre à ses blessures. Plusieurs artistes
du cirque, conduits par Leonardo l'hercule et Griggs le clown,
écartèrent le lion avec des bâtons, le repoussèrent dans sa cage et
l'y renfermèrent. On supposa que les Ronder avaient voulu
pénétrer dans la cage, mais que lorsque la porte avait été ouverte
le fauve avait bondi sur eux. L'enquête ne révéla rien d'autre,
sinon que la dompteuse ne cessait de hurler dans son délire :
« Lâche ! Le lâche ! » tandis qu'on la transportait à sa roulotte.
Six mois s'écoulèrent avant qu'elle fût en état de témoigner, mais
l'enquête avait déjà été close sur un verdict de mort par accident.



– Quelle autre hypothèse pouvait être retenue ? m'exclamai-
je.



– Certes ! Et pourtant quelques petits détails troublèrent le
jeune Edmunds, de la police du Berkshire. Un garçon bien, celui-
là ! Depuis il a été envoyé à Allahabad. Voilà comment je
m'intéressai à l'affaire : il passa par ici et nous fumâmes quelques
pipes au-dessus du dossier.



– Un maigre avec des cheveux jaunes ?



– Oui. J'étais sûr que vous vous remettriez sur la piste.




– Mais par quoi était-il troublé ?



– Hé bien ! tous les deux nous avons été troublés. C'était
diablement difficile de reconstituer l'affaire. Placez-vous au point
de vue du lion. Il est libéré. Que fait-il ? Il s'élance ; une demi-
douzaine de bonds en avant l'amènent sur Ronder. Ronder fait
demi-tour pour s'enfuir (les traces des griffes sont situées sur le
derrière de la tête), mais le lion le fait rouler sur le sol. Et voilà
qu'au lieu de continuer à foncer et à s'évader, il revient sur la
dompteuse qui était restée près de la cage, il la renverse et la
défigure… puis encore, il y a les hurlements de Mme Ronder, qui
semblent reprocher à son mari une certaine défaillance. Mais
qu'aurait pu tenter le pauvre diable pour la secourir ? Vous voyez
la difficulté ?



– Très bien.



– Il y a aussi un autre détail qui me revient à l'esprit pendant
que je revis toute cette histoire. On a plus ou moins la preuve
qu'au moment où le lion rugissait et la femme hurlait, un homme
a poussé des cris de terreur.



– Ronder, sans doute ?



– Ma foi, avec le crâne fracassé, il y avait peu de chances pour
qu'on entendît sa voix ! Deux témoins au moins ont certifié que
des cris d'homme se mêlaient aux cris de la dompteuse.



– Je suppose que tout le camp devait crier et hurler… Quant
au reste, j'ai peut-être une explication à vous offrir.



– Je serais ravi de l'entendre.



– Les deux dompteurs étaient ensemble, à dix mètres de la
cage, quand le lion est sorti. L'homme a voulu s'enfuir et a été
abattu. La femme a conçu l'idée qu'elle pourrait rentrer dans la
cage et s'y enfermer : c'était son unique refuge. Elle a essayé ; au


moment où elle arrivait à la porte, le fauve a bondi sur elle et l'a
jetée par terre. Elle en voulait à son mari parce qu'il avait
encouragé la fureur du fauve en tentant de fuir. S'ils lui avaient
fait face, peut-être l'auraient-ils impressionné. D'où ces cris de
« Lâche ! »



– Très brillant, Watson ! Une seule paille dans votre cristal



– Laquelle ?



– S'ils se trouvaient tous deux à dix mètres de la cage,
comment le lion serait-il sorti ?



– Ils avaient peut-être un ennemi qui aurait entrouvert la
Porte.



– Et pourquoi le fauve les aurait-il attaqués sauvagement
alors qu'il les connaissait bien, qu'il jouait avec eux dans sa cage ?



– Le même ennemi l'avait peut-être rendu préalablement
furieux ? Holmes demeura pensif pendant quelques instants.



– Ma foi, Watson, votre thèse peut s'étayer sur certains faits.
Ronder avait beaucoup d'ennemis. Edmunds m'a dit que, lorsqu'il
avait bu, il était terrible. Ce colosse chassait à coups de fouet tous
ceux qui osaient lui résister. Je suppose que les cris que nous a
rapportés Mme Merrilow, ces cris de « Monstre ! » étaient des
réminiscences nocturnes concernant son cher défunt. Toutefois
sont futiles, puisque nous ne connaissons pas les faits. Sur le
buffet, Watson, il y a une perdrix en gelée et une bouteille de
Montrachet. Restaurons nos énergies avant de faire appel à elles !



Quand notre fiacre nous déposa devant la maison de
Mme Merrilow, la logeuse vint bloquer de sa silhouette
majestueuse la porte de sa modeste demeure. Il était évident
qu'elle craignait beaucoup de perdre une pensionnaire
intéressante ; aussi nous supplia-t-elle, avant de nous laisser


monter, de ne rien dire ni faire qui put aboutir à un résultat aussi
affligeant. L'ayant rassurée, nous la suivîmes dans l'escalier
recouvert d'un méchant tapis, et elle nous introduisit chez sa
locataire mystérieuse.



La pièce sentait le moisi et le renfermé ; elle était mal aérée.
Après avoir gardé des fauves en cage, la pensionnaire semblait,
par l'effet d'une quelconque revanche du destin, être devenue à
son tour une bête en cage. Elle s'assit sur un fauteuil branlant
dans le coin le plus sombre. De longues années d'inaction avaient
engraissé sa silhouette mais elle avait dû être fort belle car son
corps était encore plein et voluptueux. Un voile noir très épais
recouvrait son visage ; fendu à la hauteur de la lèvre supérieure, il
nous permit néanmoins de voir une bouche parfaite et un menton
à l'ovale délicat. Certainement elle avait été une femme
remarquable. Sa voix bien modulée ne manquait pas d'agrément.



– Mon nom ne vous est pas inconnu, monsieur Holmes ! dit-
elle. Je pensais que vous viendriez.



– C'est exact, madame, mais je ne sais pas comment vous
pouvez vous douter que je me suis intéressé à votre affaire.



– Je l'ai appris quand j'ai été rétablie et quand j'ai été
interrogée par M. Edmunds, le policier du comté. Je crains de lui
avoir menti. Peut-être aurais-je mieux fait de lui dire la vérité.



– Il vaut toujours mieux dire la vérité. Mais pourquoi lui
avez-vous menti ?



– Parce que le destin de quelqu'un dépendait de ma
déposition. Certes ce quelqu'un est un être indigne, mais je ne
voulais pas avoir son anéantissement sur la conscience. Nous
avions été si proches… si proches !



– Mais ce scrupule est levé à présent ?




– Oui, monsieur. L'être auquel j'ai fait allusion est mort.



– Alors pourquoi ne pas aller dire maintenant à la police tout
ce que vous savez ?



– Parce qu'il y a une autre personne en cause. Cette autre
personne est moi-même. Je ne pourrais pas supporter le scandale
et la publicité consécutive à une enquête de police. Je n’ai plus
longtemps à vivre, mais je veux mourir tranquille. Et pourtant je
voulais trouver un homme de bon jugement à qui conter ma
terrible histoire, afin que lorsque je partirai tout soit su, et
compris.



– Vous me complimentez, madame. Mais je suis une
personne responsable. Il se peut que, après vous avoir entendue,
je juge de mon devoir d'aller en référer à la police.



– Je ne pense pas, monsieur Holmes. Je connais très bien
votre caractère et vos méthodes car je suis votre travail depuis
quelques années. Lire est le seul plaisir qui me soit laissé ; je suis
donc au courant de tout ce qui se passe dans le monde. Quoiqu’il
advienne, je cours le risque. Après vous avoir parlé, j'aurai l'esprit
en repos.



– Mon ami et moi serons heureux de vous entendre.



Elle se leva et prit dans un tiroir la photographie d'un
homme. C'était un acrobate, un athlète magnifique. La
photographie le représentait les bras croisés sur un torse
vigoureux ; un sourire se dessinait sous une lourde moustache : le
sourire satisfait de don Juan.



– C'est Leonardo, dit-elle.



– Leonardo l'Hercule, qui témoigna ?




– Oui. Et celui-ci, c'est mon mari.



Le visage était abominable : un porc humain, ou plutôt un
ours sauvage fait homme, car il était formidable dans sa
bestialité. On imaginait aisément la bouche vile mâchonnante et
écumante de rage. Quant aux petits yeux vicieux, ils ne pouvaient
que projeter de la méchanceté sur le monde. Une brute, un
bravache, une bête : voilà l'impression que faisait cette tête aux
lourdes bajoues.



– Ces deux photographies vous aideront à comprendre,
messieurs, mon histoire. J'étais une pauvre écuyère de cirque
élevée sur la piste ; je sautais dans des cerceaux quand je n'avais
pas encore dix ans. Lorsque je devins femme, cet homme m'aima,
en admettant que je puisse baptiser d'amour son désir. Un jour de
malheur, je l'épousai. À dater de ce jour, j'eus une vie d'enfer ; il
était le diable qui me torturait. Tout le monde au cirque était au
courant. Il me délaissait pour d'autres femmes. Lorsque je me
plaignis, il me ligota et me battit à coups de cravache Tous avaient
pitié de moi et le maudissaient, mais que pouvaient-ils faire ? Ils
le redoutaient, ils avaient peur de lui. Car de tout temps il s'était
montré terrible, et quand il avait bu il aurait tué. Plusieurs fois il
eut des ennuis avec la justice, parce qu'il attaquait des hommes,
ou parce qu'il maltraitait des animaux. Mais il gagnait beaucoup
d'argent, et il se moquait des amendes. Ses meilleurs
collaborateurs le quittèrent ; le cirque commença à décliner. Il n'y
avait plus que Leonardo et moi pour le maintenir, ainsi que le
petit Griggs le clown. Pauvre diable ! Il n'avait pas beaucoup de
raisons d'être drôle, mais il faisait l'impossible pour tenir son
rôle.



» Leonardo entra de plus en plus dans ma vie. Vous voyez
comme il était bel homme. Je sais maintenant quelle âme habitait
ce corps ! Comparé à mon mari, il ressemblait à l'ange Gabriel. Il
me prit en pitié, il m'aida. Finalement notre intimité se
transforma en amour : un amour profond, profond ! Passionné.
L'amour auquel j'avais toujours rêvé mais que je n'avais jamais
espéré ressentir. Mon mari le soupçonna, mais il était aussi lâche


que brutal, et Leonardo était le seul homme qu'il redoutait. Il se
vengea à sa manière en me torturant plus que jamais. Un soir,
mes cris attirèrent Leonardo à la porte de notre roulotte. Nous
frôlâmes la tragédie cette nuit-là, et bientôt mon amant et moi
nous comprîmes que nous ne pourrions l'éviter. Mon mari n'étant
pas digne de vivre, nous décidâmes qu'il devait mourir.



» Leonardo était intelligent, il avait un esprit organisateur.
C'est lui qui conçut notre plan. Je ne le dis pas pour lui en faire
grief, car j'étais résolue à tout pour faire ma vie avec lui. Mais je
n'aurais jamais eu son idée. Nous fabriquâmes une massue
(Leonardo la fabriqua) et dans l’extrémité plombée il ficha cinq
longs clous en fer, pointes dehors, exactement comme une patte
de lion. Cela afin d'assener à mon mari un coup mortel tout en
laissant supposer que ce serait le lion (préalablement détaché par
nous) qui l'aurait tué.



» II faisait nuit noire quand mon mari et moi nous sortîmes,
comme d'habitude, pour donner à manger au fauve. Nous avions
emporté la viande crue dans un seau en zinc Leonardo s'était
embusqué au coin de la roulotte devant laquelle nous devions
passer avant d'arriver à la cage. Il fut trop lent. Nous arrivâmes
avant qu'il fût en mesure de frapper, mais il nous suivit sur la
pointe des pieds, et j'entendis le bruit mat du gourdin qui fracassa
le crâne de mon mari. Mon coeur bondit de joie. Je partis en
courant et je défis le cadenas qui fermait la porte de la cage.








» Alors survint l'atroce. Vous savez peut-être que les fauves
sont prompts à sentir le sang humain et que cette odeur les excite.
Un instinct avait immédiatement averti cette bête qu'un être
humain avait été blessé. Au moment où je retirai les barres, le
lion s'élança et me sauta dessus. Leonardo aurait pu me sauver.
S'il avait foncé et frappé le fauve avec le gourdin, il l'aurait
repoussé. Mais il perdit la tête. Je l'entendis crier. Puis je le vis
faire demi-tour et fuir… Juste à l'instant où les crocs du lion
s'enfonçaient dans ma figure ! Le souffle chaud et nauséabond du
fauve m'avait déjà à demi asphyxiée et je ne ressentis qu'une
faible douleur. Avec les paumes de ma main, j'essayai de
repousser ses grandes mâchoires fumantes, tachées de sang, et je
hurlai au secours. J'eus conscience que la caravane s'agitait, et
puis je me souviens d'un groupe d'hommes, Leonardo, Griggs et
d'autres, qui me tiraient des griffes du fauve. Ce fut mon dernier
souvenir, monsieur Holmes, pendant des mois abominables.
Quand je fus rétablie, je me regardai dans une glace, et alors je


maudis ce lion… Oh ! comme je le maudis !… Non pas parce qu’il
avait détruit ma beauté, mais parce qu'il ne m'avait pas détruite,
moi ! Je n'eus plus qu'un désir, monsieur Holmes, et j'avais assez
d'argent pour le satisfaire : couvrir ce pauvre visage afin qu'il ne
fût vu de personne, et habiter en un lieu où aucun de ceux que
j'avais connus ne me découvrirait. Il ne me restait plus autre
chose à faire. Je l'ai fait. Une misérable bête blessée qui a rampé
jusqu'à son trou pour mourir : voilà la fin d'Eugenia Ronder.



Nous demeurâmes quelque temps silencieux. Puis Holmes
allongea son grand bras et lui caressa la main avec une force de
sympathie qui me surprit.



– Pauvre femme ! dit-il. Les voies du destin sont vraiment
impénétrables ! S'il n'existe pas de compensation dans l'au-delà,
alors le monde n'est qu'un jeu cruel. Mais qu'est devenu ce
Leonardo ?



– Jamais plus je ne l'ai vu. Jamais plus je n'en ai entendu
parler. Peut-être ai-je eu tort d'éprouver une telle rancoeur contre
lui. Mais l'amour d'une femme ne se brise pas facilement. Il
m'avait abandonnée sous les griffes du lion ; il avait fui alors que
je criais au secours… Pourtant je n'ai pas été capable de l'envoyer
à l'échafaud. Pour moi, je ne me souciais pas de ce qui pouvait
m'arriver. Quoi de plus terrible que ma vie actuelle ? Je me suis
quand même interposée entre Leonardo et son destin.



– Et il est mort ?



– Il s'est noyé le mois dernier en se baignant près de Margate.
Je l'ai appris par le journal.



– Et que fit-il de son gourdin à cinq clous, qui est bien le
détail le plus bizarre de tout votre récit ?




– Je n'en sais rien, monsieur Holmes. Il y avait une carrière
de craie à côté du campement, avec une grande mare en bas.
Peut-être au plus profond de cette eau…



– Oh ! c'est sans importance maintenant ! L'affaire est close.



– Oui, répéta la femme, l'affaire est close.



Nous nous étions levés pour partir, mais il y avait eu dans la
voix de l'ex-dompteuse un accent qui retint l'attention de Holmes.
Il se tourna vers elle.







– Votre vie ne vous appartient pas, lui dit-il. N'y attentez pas.



– À qui peut-elle être utile ?




– Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? L'exemple
du malade qui souffre est la plus précieuse de toutes les leçons
qui puisse être donnée à un monde impatient.



La réponse de Mme Ronder fut terrible. Elle leva son voile et
s'avança vers la lumière du jour.



– Je me demande si vous le supporteriez ! dit-elle.



C'était horrible ! Il n'y a pas de mots pour dépeindre le cadre
d'un visage quand le visage n'est plus. Deux très beaux yeux noirs
vivants émergeaient tristement d'une ruine effroyable et
ajoutaient à l'horreur de cette vision. Holmes leva les mains dans
un geste de pitié et de protestation. Ensemble nous quittâmes la
pièce.



Deux jours plus tard, quand je me rendis chez mon ami, il me
désigna avec une certaine fierté une petite fiole bleue sur sa
cheminée. Je la pris et l'examinai. Elle portait une étiquette
« Poison ». Une agréable odeur d'amandes me flatta les narines
quand je la débouchai.



– Acide prussique ?



– Exactement, me répondit Holmes. Elle m'est arrivée par la
poste. « Je vous envoie ma tentation. Je suivrai votre conseil. »
Voilà quel message l'accompagnait. Je crois, Watson, que nous
pouvons deviner le nom de la femme courageuse qui a fait le
paquet.






Toutes les aventures de Sherlock Holmes

Liste des quatre romans et cinquante-six nouvelles qui
constituent les aventures de Sherlock Holmes, publiées par Sir
Arthur Conan Doyle entre 1887 et 1927.

Romans

* Une Étude en Rouge (novembre 1887)
* Le Signe des Quatre (février 1890)
* Le Chien des Baskerville (août 1901 à mai 1902)
* La Vallée de la Peur (sept 1914 à mai 1915)


Les Aventures de Sherlock Holmes

* Un Scandale en Bohême (juillet 1891)
* La Ligue des Rouquins (août 1891)
* Une Affaire d’Identité (septembre 1891)
* Le mystère de la vallée de Boscombe (octobre 1891)
* Les Cinq Pépins d’Orange (novembre 1891)
* L’Homme à la Lèvre Tordue (décembre 1891)
* L’Escarboucle Bleue (janvier 1892)
* Le Ruban Moucheté (février 1892)
* Le Pouce de l’Ingénieur (mars 1892)
* Un Aristocrate Célibataire (avril 1892)
* Le Diadème de Beryls (mai 1892)
* Les Hêtres Rouges (juin 1892)


Les Mémoires de Sherlock Holmes

* Flamme d’Argent (décembre 1892)
* La Boite en Carton (janvier 1893)
* La Figure Jaune (février 1893)
* L’Employé de l’Agent de Change (mars 1893)
* Le Gloria-Scott (avril 1893)
* Le Rituel des Musgrave (mai 1893)
* Les Propriétaires de Reigate (juin 1893)



* Le Tordu (juillet 1893)
* Le Pensionnaire en Traitement (août 1893)
* L’Interprète Grec (septembre 1893)
* Le Traité Naval (octobre / novembre 1893)
* Le Dernier Problème (décembre 1893)


Le Retour de Sherlock Holmes

* La Maison Vide (26 septembre 1903)
* L’Entrepreneur de Norwood (31 octobre 1903)
* Les Hommes Dansants (décembre 1903)
* La Cycliste Solitaire (26 décembre 1903)
* L’École du prieuré (30 janvier 1904)
* Peter le Noir (27 février 1904)
* Charles Auguste Milverton (26 mars 1904)
* Les Six Napoléons (30 avril 1904)
* Les Trois Étudiants (juin 1904)
* Le Pince-Nez en Or (juillet 1904)
* Un Trois-Quarts a été perdu (août 1904)
* Le Manoir de L’Abbaye (septembre 1904)
* La Deuxième Tâche (décembre 1904)


Son Dernier Coup d’Archet

* L’aventure de Wisteria Lodge (15 août 1908)
* Les Plans du Bruce-Partington (décembre 1908)
* Le Pied du Diable (décembre 1910)
* Le Cercle Rouge (mars/avril 1911)
* La Disparition de Lady Frances Carfax (décembre 1911)
* Le détective agonisant (22 novembre 1913)
* Son Dernier Coup d’Archet (septembre 1917)


Les Archives de Sherlock Holmes

* La Pierre de Mazarin (octobre 1921)
* Le Problème du Pont de Thor (février et mars 1922)
* L’Homme qui Grimpait (mars 1923)



* Le Vampire du Sussex (janvier 1924)
* Les Trois Garrideb (25 octobre 1924)
* L’Illustre Client (8 novembre 1924)
* Les Trois-Pignons (18 septembre 1926)
* Le Soldat Blanchi (16 octobre 1926)
* La Crinière du Lion (27 novembre 1926)
* Le Marchand de Couleurs Retiré des Affaires (18 décembre.
1926)
* La Pensionnaire Voilée (22 janvier 1927)
* L’Aventure de Shoscombe Old Place (5 mars 1927)



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mars 2004





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– Sites WEB à consulter sur Sherlock Holmes :

http://www.sshf.com/ Le site de référence de la Société Sherlock
Holmes de France

http://www.sherlock-holmes.org/

http://conan.doyle.free.fr/