Chez les Jésuites ! récit
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Mon
père me dit un jour : » Puisque tu te chamailles toujours avec tes
frère et sœur, on te mettra en pension. Les circonstances firent qu’un
jour, notre famille s’était rendue chez le Justin T…, un voisin,
cultivateur et maire de son village, pour lui rendre visite. Cela
représentait sept kilomètres à pied parles sentiers, à travers champs
et forêt.
Se trouvait là, un autre visiteur, au col blanc et à soutane noire, à
laquelle un immense chapelet pendait sur son flanc. Le fils T…, René
était attablé dans leur salle à manger et semblait rédiger ses devoirs.
Le Père B…, missionnaire recruteur, se mit à discuter avec mes parents.
J’entendis une bribe de conversation qui me fit penser que l’on n’était
pas venus en simple visite chez le Justin.
En effet, on parla de dictée, des quatre opérations et d’un petit
problème simple. Tout cela, je pouvais le faire en deux petites heures.
Je rejoignis le René, qui composait et m’installai sur le côté libre de
la table. La dictée ne me semblait pas facile. Elle parlait de toits et
de pignons, que je confondis d’ailleurs avec pigeons. Le problème, par
contre, était facile à résoudre. Après une composition laborieuse, le
Justin nous paya les « Quatre heures ». Je me rappelle de son miel
succulent, qui sortait tout droit de sa ruche, avec sa cire.
Je compris tout de suite, en jetant un regard sur la mine du
Missionnaire, que mon travail était satisfaisant. A la rentrée de
Septembre 1949, je serais au séminaire de P…
Justin nous conduisit, René et moi, à la pension, en Celtaquatre.
L’accueil fut très débonnaire. Le Père supérieur avait une bonne bouille
et un ventre d’Archevêque. Il nous fit prendre une copieuse collation,
dans son logement particulier, avec tartines de beurre, de confiture et
café à l’arôme inoubliable. Il faut dire que c’est la seule fois, dans
cet établissement, quej’ai mangé du beurre, de la confiture et bu du
vrai café…
Je suis le plus jeune élève : j’ai huit ans. C’est étrange, je n’ai pas
le cafard. Je découvre de nombreux camarades, avec lesquels je m’entend
bien. Les journées sont bien remplies. Nous n’avons guère de temps pour
penser à la famille.
En effet, la vie au séminaire, c’est le réveil à 5 H 30. Sitôt levé,
chaque élève va servir la messe basse, à raison de 2 élèves par
ecclésiastique. Il y a une bonne vingtaine de curés… Après la messe,
vers 6 Heures, on retourne au dortoir, pour se laver et faire son lit.
Vers 7 Heures, nous nous rendons au réfectoire, où l’on nous sert
invariablement : café au lait (très baptisé) , tranches de pain et
compote de pommes. Les cours commencent à 8 Heures et sont précédés du «
Pater Noster », que l’on récite au garde-à-vous. Mêmes matières qu’à l’école communale, sauf que les punitions sont plus rigoureuses :
ü 1000 lignes à copier, si fautes d’orthographe, ü Coups de règle sur les doigts si dissipation en cours, A genoux, au pied du bureau du Père instituteur, les bras en croix. ü Pour les plus grosses punitions, les bras en croix sont alourdis par un livre plus ou moins lourd, dans chaque main.
A 11H30, les cours s’arrêtent, mais il n’est pas encore l’heure du
repas. En attendant de se colmater l’estomac, toutes les classes(grands
et petits), se mettent en file indienne et marchent en formant un grand
cercle dans la cour, en récitant le chapelet. Enfin, il est midi. Nous rentrons calmement dans le réfectoire, car
celui qui manifeste de l’empressement est invité à rentrer le dernier.
Les tables des élèves sont disposées dans le sens de la longueur de la
pièce. La table des Pères Missionnaires est disposée perpendiculairement
aux nôtres. Une clochette est disposée en son centre, à la portée du
Père Supérieur. Elle ne donne que deux ordres au cours du repas : »se
taire », pendant la lecture d’un passage de l’Evangile et « vous pouvez
parler », lorsque la lecture est faite. Chaque jour, un élève est
désigné comme lecteur. Il se rend sur une estrade située dans un angle
du réfectoire , où trônent une table et une chaise.
La qualité des repas était inférieure à la moyenne. Je m’en accommodais.
Par contre, la boisson était un mélange de piquette, fortement allongée
d’eau et qui sentait fort le bouchon. Nous appelions ça, de « l’eau de
bouchon ». Je me souviens de mon voisin de table, qui ne pouvait
souffrir les épinards. Un beau jour, il y en eût au menu. Il se força,
sous la menace d’un Révérend, d’en ingurgiter, mais il renvoya tout dans
son assiette. Le Père de Service, lui fit remanger le contenu de son
assiette.
Le dessert ne variait guère. Le séminaire avait de grands vergers où les
pommiers foisonnaient. Midi et soir, nous avions une pomme près de
notre assiette .Quand je pense que c’était le fruit défendu de l’Eden …
L’après-midi, nous reprenions les cours, de la même manière que le
matin. Après le repas du soir, vers 19h30, nous retournions en étude, en
salle de classe. à, nous rédigions nos devoirs et nos punitions.
Certains Révérends étaient, j’en fais le rapprochement aujourd’hui,
quelque peu ce que l’on appelle aujourd’hui, pédophiles. Lors des
visites médicales, les élèves étaient invités, individuellement , à se
mettre tout nus sur la table d’auscultation. Les palpations se
prolongeaient indéfiniment. Aucun n’était médecin…
Les jeudis après-midi étaient consacrés à la promenade. Invariablement ,
nous avions droit au même trajet. Par un bel après-midi d’automne, nous
marchions en colonne par trois. Je devisais en queue de peloton ,avec
un camarade. Nous n’arrivions pas à suivre la cadence, avec nos courtes
pattes. Au bout d’un moment, nous nous retrouvions seuls dans la nature.
Les Missionnaires d’accompagnement ne s’étaient pas soucié des
retardataires. Peut-être étaient ils plongés en pensées dans leur
bréviaire, ou reluquaient-ils les fesses en mouvement de quelque petit
giron !
Nous avons marché longtemps, en rase campagne, avant d’apercevoir une
ferme. Nous expliquons nos déboires au fermier. Après nous avoir
rassasié d’une copieuse tartine de beurre et d’un onctueux café au lait,
ils nous ramenèrent au séminaire, en voiture.
De ce fait, nous n’étions pas en retard, par rapport aux marcheurs, mais
nous avons eu droit aux remontrances véhémentes du Père Supérieur et à
copier mille fois « Je ne dois pas me perdre dans la nature »
Le sport était à la charge du Père T… Je le revois, courir après le
ballon, la soutane flottant aux quatre vents, semblable à un Soufi.
Le Père V… était aussi un sportif. Un jour qu’il fallait réparer une
gouttière du bâtiment principal, l grimpa sur une longue échelle. Quelle
ne fut pas ma surprise, il était en caleçon, sous sa soutane…
La messe du dimanche était fastueuse. es missionnaires étaient affublés
de chasubles aux couleurs variantes, en fonction des évènements à
célébrer. Les servants portaient la soutane rouge et le surplis blanc.
Les deux plus jeunes élèves, dont je faisais partie, endossaient par
contre, des soutanes bleu-clair. (du bleu pour les bleus !)
Nous attendions les vacances avec impatience, pour retourner au bercail et raconter plein de choses à la famille. A la fin d’un trimestre, je retrouvai mes parents, ravis et fiers de
leur futur missionnaire de fils. Mais ils déchantèrent bien vite ! Je ne voulais plus retourner dans ce « sanctuaire ». Par ailleurs,
lorsque je me déshabillai, ils découvrirent avec stupeur, que mon corps
était recouvert d’une épaisseur de crasse, digne de faire peur à Mère
Térésa ! Les chambres non chauffées, les Révérends indifférents à notre
hygiène et mon jeune âge, avaient contribué à cet état de chose.
C’est là que prirent fin les espoirs de mes parents. Ils ne voulurent pas reconduire l’expérience du séminaire. « Tu n’iras pas au séminaire, mais tu iras aux Enfants de Troupe, me dit mon père…