Napoléon et le surnaturel : entre prophéties et prémonitions mortelles
Qui n’a pas entendu parler de Napoléon 1er, cet Illustre personnage dont la célébrité n’est pas sans concurrencer celle de Jésus-Christ ?
Y a t-Il un quelconque endroit sur cette Terre où son nom ne soit pas parvenu ? Déjà, en 1829, la renommée du « Grand Homme », comme l’appelait le Capitaine Colgnet, avait atteint les antipodes de la France, ainsi que put le constater, avec surprise, le naturaliste d’Orbigny qui, en pleine exploration de la Patagonie, fut accueilli par ces paroles d’un grand chef Inca : « Permets que je t’embrasse, puisque tu as vu ce demi-dieu, puisque tu lui as parlé ».
On raconte que, depuis sa mort survenue le 5 mai 1821, on a vu paraître, chaque jour, un nouveau livre sur le « Petit Caporal ». Napoléon 1er devrait, par conséquent, être la figure historique la mieux connue qui soit. Mais est-ce vraiment le cas ?
Chacun croit le connaître et se permet de le juger, tantôt en le condamnant à porter le titre de dictateur, tantôt en lui reconnaissant une semi-divinité que lui-même aurait reniée.
Ce qui est sûr, c’est qu’il ne laisse personne indifférent. Détesté par les uns, adulé par les autres, il peut, toutefois, faire le consensus sur un point : la complexité de sa personne.
Ainsi que l’a écrit Léon Bloy (écrivain maudit né en 1846) :
« En réalité, Napoléon nous est peut-être moins connu qu’Alexandre ou Sennachérib. Plus on l’étudie, plus on découvre qu’il est l’homme à qui nul ne ressembla et c’est tout. Voici le gouffre. J’ai beaucoup étudié cette histoire… et j’ai fini par sentir que j’étais en présence d’un des mystères les plus redoutables de l’histoire… Quand j’avais douze ans … je sentais déjà et je n’ai jamais cessé de sentir en lui le Surnaturel. »
Le « Surnaturel », le mot est lâché et c’est sans doute celui qui qualifie le mieux l’homme dont le destin n’a été à nul autre pareil. Quel destin, en effet, que celui de « l’Empereur ».
Destin qui semble avoir été écrit d’avance, comme l’a, d’ailleurs, reconnu Maître Philippe de Lyon, puisque ce dernier n’a pas hésité à classer Napoléon 1er parmi les trois personnages prédestinés de ce monde, avec Jeanne d’Arc et Victor Hugo.
Et, ainsi que nous allons le voir, cette « prédestination » n’est pas une simple parole lancée en l’air, mais trouve son fondement même dans l’annonciation qui avait été faite de Napoléon Bonaparte.
Prophéties et prédictions
Le plus célèbre des astrologues Nostradamus, médecin de son état, écrivit, en 1550, ses fameuses centuries, dont quelques quatrains ne furent pas sans rappeler l’auguste personne de l’Empereur. En voici un extrait :
« Un Empereur naîtra près d’Italie
Qui a l’Empire sera vendu bien cher …
De la cité marine et tributaire
La tête rase prendra la satrapie …
Par quatorze ans tiendra la tyrannie.
De soldat simple parviendra en Empire,
De robe courte parviendra à la longue,
Vaillant aux armes, en Église ou plus pire,
Vexer les prêtres comme l’eau fait l’éponge ».
Qui a l’Empire sera vendu bien cher …
De la cité marine et tributaire
La tête rase prendra la satrapie …
Par quatorze ans tiendra la tyrannie.
De soldat simple parviendra en Empire,
De robe courte parviendra à la longue,
Vaillant aux armes, en Église ou plus pire,
Vexer les prêtres comme l’eau fait l’éponge ».
Néanmoins, il faut bien reconnaître que l’interprétation des centuries a toujours prêté à caution. Car il est bien facile de faire dire ce que l’on veut à des vers obscurs, après que l’histoire se soit déjà déroulée.
Il en va tout autrement de la prophétie de Philippe-Noël Olivarius, rédigée huit ans plus tôt, soit en 1542.
C’est en 1793 que l’ouvrage d’Olivarius réapparut miraculeusement, après que l’on eut réuni dans une
grande salle parisienne les livres provenant du pillage des bibliothèques des maisons royales et de quelques monastères.
grande salle parisienne les livres provenant du pillage des bibliothèques des maisons royales et de quelques monastères.
François de Metz, alors secrétaire général de la Commune de Paris, procédait au tri, lorsque son attention fut attirée par un petit in-douze intitulé « Livre de Prophéties » composé par Philippe-Noël Olivarius, docteur en médecine, chirurgien et astrologue.
Intrigué par le titre, François de Metz se mit en devoir de lire l’ouvrage d’Olivarius, mais n’en comprit pas le sens, comme il devait l’avouer, un peu plus tard, à sa fille.
Toutefois, ayant eu sans doute le sentiment, pour ne pas dire le pressentiment, de l’importance de ce livre, il prit la précaution d’en faire réaliser plusieurs copies, et conserva l’original pour lui.
En 1804, ce même original tomba entre les mains de Napoléon 1er, quelque temps après le sacre. Après l’avoir lu, il le remit à Joséphine, en lui précisant : « tiens, il paraît qu’on y parle de moi ».
Et voici ce que Joséphine, médusée, put y lire :
« La Gaule itale verra naître, non loin de son sein, un être surnaturel ; cet homme sortira tout seul de la mer, viendra prendre langue et moeurs chez les celtes gaulois, s’ouvrira, encore jeune, à travers mille obstacles, chez les soldats, un chemin, et deviendra leur premier chef.
Ce chemin sinueux lui baillera force, peine ; s’en viendra guerroyer près de son natal pays par un lustre et plus. Outre-mer sera un guerroyant avec grande gloire et valeur, et guerroiera de nouveau le monde romain.
Donnera lois aux Germains, pacifiera troubles et terreurs aux gaulois celtes, et sera ainsi nommé, non roi, mais imperator, par grand enthousiasme populaire.
Batailleur partout dans l’empire, il déchassera princes, seigneurs, rois, par deux lustres et plus. Sera vu avec une armée forte de 49 fois 20.000 hommes, piétons armés qui porteront armes à cornets de fer… portera à dextre main un aigle, signe de la victoire à guerroyer.
Il s’en viendra dans la grande ville, ordonnant force grandes choses, édifices, ports de mer, aqueducs, canaux ; il fera à lui tout seul, autant que les Romains. Il aura femme par deux, et fils un seul.
S’en ira guerroyant jusqu’où se croisent les lignes longitude et latitude. Là, ses ennemis brûleront la grande ville. Lui y entrera et sortira avec tes siens de des sous les cendres et les ruines.
S’en ira guerroyant jusqu’où se croisent les lignes longitude et latitude. Là, ses ennemis brûleront la grande ville. Lui y entrera et sortira avec tes siens de des sous les cendres et les ruines.
Les siens n’ayant plus ni pain ni eau, par grande froidure, seront si mal que les deux tiers de son armée périront. Puis le grand homme abandonné, trahi par ses amis, sera pourchassé à son tour à grande perte jusque dans sa propre ville, par les grandes populations européennes. À sa place, sera mis le vieux roi de la Cape.
Quant à fui, il est contraint à l’exil dans la mer d’où il est venu si jeune, et près de son sol natal. Il y demeurera onze lunes avec quelques-uns des siens, vrais amis et soldats.
Aussitôt les onze lunes achevées, lui et les siens prendront un navire et viendront mettre pied sur la terre gauloise. Et il cheminera vers la grande ville où s’est assis le vieux de la cape qui se lève, fuit, emportant avec lui les ornements royaux.
Chassé de nouveau par une trinité de populations européennes après trois tunes et tiers de lune. On remet à sa place le vieux roi de la Cape. Enfin, il dicte des conseils souverains à toutes les nations et à tous tes peuples et il meurt. »
Ceux qui connaissent bien l’histoire, peuvent retrouver dans ce texte (écrit en 1542, ne l’oublions pas) les événements les plus marquants de la vie de Napoléon :
– l’enfant quittant la Corse pour aller étudier en France, la première campagne d’Italie, la campagne d’Égypte, la seconde campagne d’Italie, la rédaction du Code civil, l’accession au titre d’Empereur, les batailles victorieuses en Europe, la mise en place de grands travaux publics, son mariage avec Joséphine et Marie-Louise, la naissance de l’Aiglon, l’incendie de Moscou, la retraite de Russie, la campagne de France, l’arrivée de Louis XVIII, l’exil puis le retour de l’île d’Elbe, Waterloo et l’exil à Sainte-Hélène.
La campagne de Russie de juin à décembre 1812, la première grande défaite de Napoléon. De gauche à droite : la bataille de Borodino, le grand feu de Moscou, l’arrière-garde dirigée par le Maréchal Ney, les traînards de la Grande Armée.
On ne pouvait faire meilleur résumé. Le « prédestiné » allait également hanter les songes du roi de Prusse, le Grand Frédéric II, ainsi que semble en attester le rêve que fit ce monarque un certain 15 août 1769.
Il est six heures du matin, dans le château de Breslau, lorsque Frédéric II fait appel à son astrologue pour lui conter le songe particulièrement troublant qu’il vient de faire :
« Asseyez-vous et écoutez-moi. J’ai fait cette nuit un curieux rêve et j’aimerais que vous me l’expliquiez. Je voyais l’étoile de mon royaume briller au ciel, lumineuse et resplendissante. J’admirais son éclat, sa hauteur, lorsque soudain parut, au-dessus, une autre étoile qui éclipsa la mienne en s’abaissant sur elle.
Il y eut lutte; je les vis, un instant, confondre leurs rayons, et mon étoile, obscurcie, enveloppée par l’orbite de l’autre, descendit jusqu’à terre, comme opprimée sous une force qui semblait devoir l’éteindre et l’anéantir. À votre avis, que peut signifier ce songe ? »
Frédéric II (1712-1786), âgé de 68 ans, par Anton Graff
Et l’astrologue de répondre, sur un ton embarrassé :
« Je pense qu’un grand homme de guerre est né ou que la Prusse sera dominée par une puissance invisible. »
Or, le 15 août 1769, naissait à Ajaccio un bébé du nom de … Napoléon Bonaparte !
Joséphine de Beauharnais, quant à elle, ne fit point de songe, mais consulta des voyants qui allaient lui révéler des choses non moins troublantes.
Alors qu’elle n’était qu’une enfant et qu’elle habitait encore la Martinique, une vieille femme lui prédit qu’elle serait « plus que reine ».
Bien plus tard, un bohémien lui révéla, dans le marc de café, le destin de son époux, simple général à l’époque :
« victoires fulgurantes, seigneur des lois, honneurs suprêmes, île hostile, honneurs pour les familiers, divorce, noces impériales, lutte contre un grand ours, froid et frayeur, triomphe bref, île, poison. »
Enfin, et pour en terminer avec les prédictions, il nous faut encore rappeler cet épisode prenant place lors de la campagne d’Égypte, dans la ville du Caire, où le général Bonaparte, arpentant alors les rues de la capitale égyptienne, fut interpellé par une vieille femme qui s’offrit à lui révéler son avenir.
Sans même attendre sa réponse, la diseuse de bonne aventure tira cet horoscope d’une petite pyramide de coquillages aux couleurs variées :
« Tu auras deux femmes, tu en répudieras une à grand tort ; ce sera la première. La seconde ne lui sera point inférieure par ses grandes qualités. Elle te donnera un fils. Peu après, commenceront contre toi de sourdes intrigues. Tu cesseras d’être heureux et puissant.
Tu seras renversé dans toutes tes espérances. Tu seras chassé par la force et relégué sur une terre volcanisée, entourée de mers et d’écueils. Garde toi de compter sur la fidélité de tes proches, ton propre sang doit s’élever contre ta domination. »
Voilà, peut-être, la raison pour laquelle Napoléon tarda tant à répudier Joséphine.
Joséphine de Beauharnais (1763-1814)
L’initiation en Égypte
Puisque nous sommes en Égypte, nous allons y rester, car c’est dans ce pays que Napoléon avait rendez-vous avec le merveilleux. L’on raconte, notamment, que c’est là-bas qu’il rencontra le Comte de Saint-Germain, censé être décédé depuis 1784.
Le comte, paraissant en bonne santé et n’avoir nullement souffert des affres du temps, aurait prédit au futur empereur sa grandeur et sa chute.
Mais bien plus extraordinaire fut, pour Napoléon, la visite de la Grande Pyramide. S’étant, un jour, élevé à bord d’une montgolfière, afin de pouvoir repérer les positions de ses ennemis commandés par Ibrahim-Bey, il fut, à son retour sur terre, considéré comme celui qui avait pu conférer avec Mahomet.
Cela lui valut de grands avantages, car, après son ascension, les Dervis, les Muphtis et autres prêtres égyptiens l’invitèrent à aller visiter la pyramide de Chéops.
Le 12 août 1799, au soir, l’Imam Mohammed conduisit donc le jeune général en chef jusqu’à la Grande Pyramide de Gizeh. Après avoir pénétré à l’intérieur, ils arrivèrent jusqu’à la chambre du Roi, où Bonaparte demanda à être laissé seul. On sait qu’il y passa la nuit entière.
Au petit matin du 13 août, les hommes composant son état-major commencèrent à s’inquiéter suffisamment pour prendre le risque de désobéir aux ordres et s’apprêtèrent à rentrer dans la pyramide, afin d’aller porter secours à leur chef. Ils avaient déjà mis la main sur leurs sabres, lorsque Napoléon Bonaparte sortit enfin, très pâle, hirsute et le visage complètement défait.
Un de ses aides de camp se permit, alors, de lui demander, sur un ton facétieux, s’il avait été le témoin de quelque chose de mystérieux. Bonaparte répliqua, avec quelque brusquerie dans sa voix, qu’il n’avait rien à dire. Puis, sur un ton un peu plus doux, il ajouta qu’il ne voulait plus jamais qu’il soit fait mention de cet incident.
Bien des années plus tard, quand il fut empereur, Napoléon continua à refuser de parler de cet étrange événement survenu dans la pyramide, insinuant simplement qu’il avait reçu quelque présage de sa destinée.
Et à Sainte-Hélène, juste avant la fin, il semble qu’il fut sur le point de se confier à Las Cases, mais, au lieu de cela, il se contenta de secouer la tête, en disant : « Non. À quoi bon. Vous ne me croiriez jamais. »
Que s’est-il donc passé dans la Grande Pyramide de si terrible que le plus grand des guerriers, qui n’avait peur de rien, préféra garder le secret jusqu’au bout plutôt que de révéler une chose pour le moins extraordinaire ?
C’est Edouard Schuré, dans son livre « Les Grands Initiés » , qui nous conduit, par ses immenses connaissances, à un commencement de réponse.
En effet, lorsqu’il nous décrit l’initiation égyptienne, telle qu’elle se pratiquait au temps des pharaons, on a une idée de ce qui a pu se passer dans la fameuse « chambre du roi ».
Ceux qui souhaitaient avoir accès à la science divine, s’adressaient aux hiérophantes, prêtres présidant aux mystères d’Eieusis. Ces derniers proposaient à l’adepte de « franchir le seuil d’Osiris », c’est-à dire d’avoir accès à la « lumière ».
Mais le chemin pour y parvenir était périlleux et seule une longue initiation préparatoire pouvait amener l’adepte jusqu’à l’épreuve finale, laquelle consistait à rester couché dans un tombeau une nuit entière.
C’est au crépuscule que les prêtres d’Osiris venaient chercher l’adepte et l’accompagnaient, à l’aide de flambeaux, jusqu’à une crypte où se trouvait un sarcophage ouvert en marbre.
L’hiérophante disait alors à l’adepte :
« Aucun homme n’échappe à la mort et tout âme vivante est destinée à la résurrection. L’adepte passe vivant par le tombeau pour entrer dès cette vie dans la lumière d’Osiris. Couche-toi donc dans ce cercueil et attends la lumière. Cette nuit tu franchiras la porte de l’épouvante et tu atteindras au seuil de la Maîtrise ».
Et voilà comment Edouard Schuré nous décrit l’ultime épreuve :
« L’adepte se couchait dans le sarcophage ouvert … L’adepte est seul dans les ténèbres, le froid du sépulcre tombe sur lui, glace tous ses membres. Il passe graduellement par les sensations douloureuses de la mort et tombe en léthargie. Sa vie défile devant lui en tableaux successifs comme quelque chose d’irréel…
Mais à mesure qu’il sent son corps se dissoudre, la partie éthérée, fluide de son être se dégage. Il entre en extase… Quel est ce point brillant et lointain qui apparaît, imperceptible sur le fond noir des ténèbres ? Il se rapproche, il grandit, il devient une étoile à cinq pointes dont les rayons ont toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et qui lance dans les ténèbres des décharges de lumière magnétique.
Maintenant c’est un soleil qui l’attire dans la blancheur de son centre incandescent… à sa place un bouton de fleur vient éclore dans la nuit, une fleur immatérielle, mais sensible et douée d’une âme. car elle s’ouvre devant lui comme une rose blanche ; elle épanouit ses pétales …
Napoléon Bonaparte contemplant une momie
Mais voici qu’elle s’évapore comme un nuage de parfums. Alors l’extatique se sent inondé d’un souffle chaud et caressant. Après avoir pris des formes capricieuses le nuage se condense et devient une figure humaine. C’est celle d’une femme, l’Isis du sanctuaire occulte, mais plus jeune, souriante et lumineuse.
Un voile transparent s’enroule en spirale autour d’elle et son corps brille à travers. Dans sa main elle tient un rouleau de papyrus. Elle s’approche doucement, se penche sur l’initié couché dans sa tombe et lui dit : « Je suis ta soeur invisible, je suis ton âme divine et ceci est le livre de ta vie.
Il renferme les pages pleines de tes existences passées et les pages blanches de tes vies futures. Un jour, je les déroulerai toutes devant toi. Tu me connais maintenant. Appelle-moi et je viendrai! » … Mais tout se brise, la vision s’efface.
Un déchirement affreux ; et l’adepte se sent précipité dans son corps comme dans un cadavre. Il revient à l’état de léthargie consciente ; des cercles de fer retiennent ses membres ; un poids terrible pèse sur son cerveau ; il se réveille … et debout devant lui se tient l’hiérophante accompagné des mages. On l’entoure, on lui fait boire un cordial, il se lève. »
Dame Blanches et prémonitions
D’autres êtres, aussi énigmatiques, croisèrent le chemin de Napoléon 1er. Tel fut le cas de la dame blanche de Baireuth, même si cette dernière n’entra pas directement en contact avec l’Empereur.
C’est le 8 octobre 1806 que la dame blanche fit sa première apparition, devant les yeux mêmes du Prince Louis-Ferdinand de Prusse.
Agité de « sombres pressentiments » depuis cette bien curieuse rencontre, le prince devait mourir, deux jours plus tard, au combat de Saalfeld, la gorge percée d’un coup de sabre donné par le maréchal des logis Guindey, du 10ème hussards.
La mort de Louis-Ferdinand de Prusse sous le sabre du maréchal Guindey
Trois ans plus tard, Napoléon s’arrêta au château de Baireuth et se fit raconter, par le chapelain Sluter, la mésaventure survenue au général d’Espagne, dans ce lieu même, quelque temps auparavant.
Arrivé au château tard dans la soirée, le général, épuisé par sa longue journée passée à cheval, se coucha aussitôt, sans même songer à se restaurer au préalable.
Et on peut imaginer que, la fatigue aidant, il ne tarda pas à sombrer dans un profond sommeil. Durant la nuit, cependant, un cri terrifiant se fit entendre provenant de sa chambre. Pensant, sans doute, à une
agression, les officiers d’ordonnance accoururent pour porter assistance à leur général.
agression, les officiers d’ordonnance accoururent pour porter assistance à leur général.
Mais quelle ne fut pas leur surprise en découvrant leur général évanoui au beau milieu de la pièce, et écrasé par le lit qui s’était retourné on ne sait de quelle façon.
Après avoir été dégagé de cette bien fâcheuse posture, le général fut examiné par un médecin qui lui fit une saignée et lui administra un calmant après qu’il eût repris connaissance. Étant, désormais, parfaitement conscient, le général expliqua qu’un spectre avait tenté de l’égorger, que, lors de la lutte, le lit avait été renversé, et qu’étant sur le point de succomber, il avait crié à l’aide.
Il fit également une description tout à fait précise de l’apparition, dont le visage et les yeux l’avaient particulièrement marqué. Des gens du château lui apprirent, alors, qu’il s’agissait là du portrait fidèle de la dame blanche.
À cette nouvelle, le général blêmit et s’affaissa presque sur les genoux, en murmurant :
« C’est elle. Elle m’est bien apparue ainsi. Son apparition annonce sans aucun doute ma mort prochaine. »
Ne pouvant rester dans ces lieux, le général se mit en quête d’un autre logis avant la fin de la nuit. Puis, à la pointe du jour, il envoya tout un détachement de soldats essayer de dénicher une quelconque entrée secrète dans la chambre fatidique.
Mais ils eurent beau arracher les tapisseries et défoncer les planchers, on fut obligé de reconnaître qu’aucun être ne pouvait pénétrer dans la pièce, à part, bien entendu, la fameuse dame blanche.
Au moment de son départ, et comme il franchissait la porte de la ville de Baireuth, le général d’Espagne eut ces derniers mots :
« Ici, j’ai entendu sonner la cloche funéraire. Je mourrai bientôt. »
Effectivement, il mourut peu après, lors du combat d’Aspern (pendant la bataille d’Essling), comme le remarqua Napoléon assis devant la cheminée et dont les yeux assombris n’avaient cessé de fixer les flammes.
Cette terrible bataille d’Essling allait, du reste, être à l’origine de la disparition d’un autre grand soldat : le maréchal Lannes. Ce dernier, s’il n’avait eu à affronter la redoutable dame blanche, fit, néanmoins, un rêve prémonitoire la veille même de la bataille.
Cadet de Gassicourt, pharmacien ordinaire de l’Empereur, rapporte que le Maréchal s’était confié à lui en ces termes :
« J’ai eu cette nuit un rêve étrange, cette bataille sera pour moi la dernière. »
Un discours à peu près similaire fut tenu au docteur Lannefranques, un de ceux qui ont donné leurs soins au duc de Montebello, lorsque le maréchal, étant monté à cheval pour se rendre à l’île Lobau, s’arrêta, prit et serra la main du docteur tout en lui disant, avec un petit sourire triste :
« Au revoir, vous ne tarderez probablement pas à venir me retrouver ; il y aura de la besogne aujourd’hui pour vous, et pour ces messieurs, ajouta-t-il en montrant plusieurs chirurgiens et pharmaciens qui se trouvaient avec le docteur.
M. le duc, répondit M. Lannefranques, cette journée ajoutera encore à votre gloire. – Ma gloire ! interrompit
vivement le maréchal. Tenez, voulez-vous que je vous parle franchement : je n’ai pas une bonne idée de cette affaire ; au reste quelle qu’en soit l’issue, ce sera ma dernière bataille. »
vivement le maréchal. Tenez, voulez-vous que je vous parle franchement : je n’ai pas une bonne idée de cette affaire ; au reste quelle qu’en soit l’issue, ce sera ma dernière bataille. »
À 6 heures du matin, le maréchal reçut un boulet qui lui fracassa la cuisse droite et la rotule du genou gauche. Quelques jours plus tard, et malgré tous les soins apportés par le corps médical, il mourut emporté par la fièvre.
Un autre officier de talent, le général Lasalle, allait disparaître peu après, lors de la bataille de Wagram. Fait extraordinaire, il eut, lui aussi, la prémonition de sa mort, ainsi qu’en attestent les paroles mêmes de Napoléon :
« Lasalle, au milieu de la nuit, m’écrivait du bivouac, sur le champ de bataille de Wagram, pour me demander de signer sur l’heure le décret de transmission de son titre et de son majorat de comte au fils de sa femme, parce qu’il sentait sa mort dans la bataille du lendemain, et le malheureux avait raison. »
La bataille de Wagram en Autriche les 5 et 6 juillet 1809 qui verra une victoire française décisive
Il semble que ce sentiment prémonitoire d’une mort certaine ait affecté plus d’un officier supérieur de l’époque. Plusieurs autres cas ont, en effet, été signalés, dont celui du commandant de la Garde Impériale : le maréchal Bessières.
À la veille de la bataille de Lützen, celui qui « avait vécu comme Bayard et mourut comme Turenne » ; selon les propres mots de Napoléon, ne se sentait pas très bien et refusait de prendre son petit déjeuner.
Devant l’insistance de son entourage, il finit, néanmoins, par accepter :
« Au fait, si un boulet de canon doit m’enlever ce matin, je ne veux pas qu’il me prenne à jeun ! »
Après s’être alimenté, il brûla les lettres de sa femme, puis s’en alla rejoindre Ney à la sortie du village de Rippach. Le premier boulet ennemi emporta la tête de son ordonnance qui le suivait. Quant au second projectile, il traversa le maréchal de part en part après avoir ricoché.
Sans doute l’Empereur eut-il la vision instantanée de la mort de son fidèle ami, car, comme il le disait lui-même :
« Lorsque la mort frappe au loin une personne qui nous est chère, un pressentiment annonce presque toujours l’événement, et celui que la mort frappe nous apparaît au moment de sa perte. »
L’homme noir
Cette parenthèse sur les prémonitions étant achevée, il est temps de revenir à nos personnages mystérieux.
Après le petit homme rouge des Tuileries et la dame blanche de Baireuth, une créature non moins inquiétante va s’imposer dans l’histoire napoléonienne : l’homme noir de Fontainebleau.
Cinq ans avant les fameux « adieux », l’homme noir était apparu à une habitante de la cité Seine-et-Marnaise et l’avait forcée à remettre un message à l’Empereur.
Alors que ce dernier se promenait dans le parc du château de Fontainebleau, en compagnie de Berthier, la femme se présenta à eux et révéla, au premier, sa destinée, et au second, sa mort violente (Berthier mourut en terre étrangère, juste avant la bataille de Waterloo, après être tombé du haut d’un balcon, sans doute quelque peu aidé dans cet accident plus que suspect).
De gauche à droite : le maréchal Bessières, Fesch l’oncle de Napoléon, le maréchal Lannes, Edouard Schuré, Saint-Germain, et le roi de Prusse, Frédéric Il.
Par la suite, l’homme noir fit lui-même une apparition dans la cour du Château, lors des adieux de l’Empereur. L’horloge venait de sonner onze heures, lorsque la Garde Impériale, médusée, vit passer devant elle un homme vêtu de noir et dont il était impossible de distinguer le moindre trait.
Son passage fut si rapide que personne n’eut seulement l’idée d’arrêter cette « ombre ». À noter qu’un homme noir s’était déjà présenté à Henri IV, dans un carrefour de la forêt de Fontainebleau, nommé, depuis, la Croix du Grand Veneur.
Conclusion
D’autres mystères, encore, entourèrent Napoléon. Faute de pouvoir les citer tous ici, on signalera, cependant:
– Ce jour de 1809, où l’Empereur séjournant alors dans le château de Schënbrunn, se sentit mal à l’aise à la vue d’une pendule, la même pendule qui sonnera l’heure de la mort de l’Aiglon. Et Napoléon de dire à son entourage : « On étouffe ici ! »
– Ces mots inscrits de la main même du jeune Bonaparte, sur un cahier inachevé et abandonné dans la mansarde du quai Conti : « Ste Hélène petite isle » ; comme si Napoléon Bonaparte avait eu une vision de sa fin, plusieurs décennies avant.
– Et l’incorruptibilité du corps de Napoléon attestée par plusieurs témoins : pour le retour des cendres, lorsqu’on exhuma son cadavre à Sainte-Hélène, la décomposition ne l’avait pas atteint et sa dépouille était encore intacte, bien qu’elle ne fût pas embaumée.
Au vu de tout ce qui précède, force est de reconnaître que le destin de Napoléon ne fut pas celui du commun des mortels. Il faut savoir, notamment, qu’il risqua la mort dans 635 combats et 85 batailles rangées, du pont d’Arcole au dernier carré de Waterloo, qu’il eut 18 chevaux blessés ou tués sous lui, mais que la grande faucheuse ne voulut jamais de lui à ces moments-là.
Et jusqu’au personnage, lui-même, d’avoir été exceptionnel. L’impression qu’il produisait sur ses contemporains était proprement phénoménale.
Dans ses mémoires, le général baron Thiébault reconnaît avoir approché les plus grands souverains de l’Europe, mais qu’aucun d’eux n’a produit sur lui un effet qu’il puisse comparer à celui que l’on éprouvait lorsqu’on paraissait devant cet être colossal.
Enfin, reste le mystère de son « immortalité » ; ce nom, « Napoléon », dont la célébrité ne s’est pas estompée avec les siècles et qui continuera, sans doute, très longtemps à hanter la mémoire collective de notre monde.
Seul Chateaubriand, dans ses « Mémoires d’Outre-Tombe » a su exprimer ce formidable ascendant sur les consciences, et c’est donc à lui que nous laisserons les mots de la conclusion :
« Après avoir subi le despotisme de sa personne, il nous faut subir le despotisme de sa mémoire. Ce dernier despotisme est plus dominateur que le premier, car si l’on combattait quelquefois Napoléon alors qu’il était sur le trône, il y a consentement universel à accepter les fers que, mort, il nous jette. Aucune puissance légitime ne peut plus chasser de l’esprit de l’homme le spectre usurpateur. »
Source : Pascal Cazottes/Top Secret N°28