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samedi 5 novembre 2016

MAC MAHON, MARÉCHAL ET DUC D'EMPIRE !

MAC MAHON, MARÉCHAL ET DUC D'EMPIRE 


CONTEXTE HISTORIQUE
Maréchal et duc d’Empire
Issu d’une famille d’origine irlandaise, Mac-Mahon est sorti de Saint-Cyr en 1827 avant d’acquérir une brillante réputation de chef militaire lors de la conquête de l’Algérie. Sa carrière s’est accomplie sous le Second Empire, d’abord pendant la guerre de Crimée, où il s’est distingué en s’emparant du bastion de Malakoff le 8 septembre 1855, ce qui a permis la prise de Sébastopol et le succès final de la coalition franco-anglaise contre la Russie. Quatre ans plus tard, il était à la tête d’une partie des armées françaises en Italie. Commandant du deuxième corps d’armée, il remporte sur l’armée autrichienne, en Lombardie, le 4 juin 1859, la victoire de Magenta, ce qui lui vaut d’être élevé par Napoléon III à la dignité de maréchal et duc d’Empire sur le champ de bataille.
ANALYSE DES IMAGES
Une des dernières œuvres d’Horace Vernet
Ce grand portrait est un des derniers tableaux de cette envergure peints par Horace Vernet, un des artistes les plus en vue de l’époque et spécialiste reconnu de la peinture historique et de la peinture de bataille. Habitué aux commandes officielles, il était l’un des principaux artistes commandités par Louis-Philippe pour le musée de Versailles, notamment pour la galerie des Batailles et les salles d’Algérie. Dès 1824-1826, le jeune peintre avait reçu commande de portraits de maréchaux pour les Tuileries, mettant au point, dans ses portraits de Gouvion Saint-Cyr et de Molitor (Versailles, musée national du Château), une formule de figure en pied « en situation » qu’il reprit souvent par la suite. C’est le cas ici, où il allie le portrait et la peinture militaire : sur le champ de bataille de Magenta, Mac-Mahon franchit une palissade, au milieu des cadavres et à la tête de ses soldats, sur la droite. Le fond de la toile est occupé par la bataille elle-même. Mac-Mahon regarde vers la gauche, la longue vue dans sa main droite et la casquette dans sa main gauche, dans un mouvement simple et une pose volontairement vivante et spontanée.
INTERPRÉTATION
Mac-Mahon incarne pour beaucoup les équivoques de la IIIe République naissante. Bien que succédant à Thiers en 1873 à la présidence de la République, il s’est en réalité efforcé de préparer les conditions d’une restauration monarchiste. La division entre orléanistes et légitimistes a eu finalement raison de ce projet. Sa démission en 1879 symbolise la victoire définitive du camp républicain, après la majorité qu’elle parvient à conserver aux élections de 1877 et celle qu’elle conquiert au Sénat en 1879. 
La légende du portrait ne doit cependant pas induire en erreur : c’est le militaire victorieux, le maréchal d’Empire que Vernet a représenté, et non l’homme politique dont le destin était encore voilé au moment où le tableau fut peint.


BAZAINE, COMMANDANT DE L'EXPÉDITION DU MEXIQUE !

BAZAINE, COMMANDANT DE L'EXPÉDITION 

DU MEXIQUE



CONTEXTE HISTORIQUE
Achille Bazaine (Versailles, 1811-Madrid, 1888) était entré dans l’armée en 1831. Après avoir servi en Algérie et en Espagne, il fut promu général, se distingua lors de la guerre de Crimée et de la campagne d’Italie. Envoyé au Mexique en 1862, il devint célèbre en s’emparant de Puebla en 1863 et fut fait maréchal de France en 1864. Cependant l’expédition décidée par Napoléon III pour établir un empire latin et catholique ouvert aux intérêts français devait être l’un des grands échecs de la politique extérieure du Second Empire. La guérilla, les menaces américaines et la lassitude de l’opinion française contraignirent Napoléon III à abandonner l’empereur Maximilien d’Autriche, qu’il avait installé sur le trône du Mexique en 1863. En 1867, Bazaine quitta le Mexique avec les dernières troupes françaises. Maximilien, qui avait refusé de l’accompagner, fut arrêté et fusillé.
ANALYSE DES IMAGES
Bazaine est ici portraituré sur le terrain de la campagne militaire du Mexique. Le vainqueur de Puebla pose avec dignité : il est accoudé sur une carte d’état-major, son bâton de maréchal en évidence entre sa casquette et ses gants blancs. A l’arrière figure une pièce d’artillerie. La végétation, réduite au strict minimum (un cactus au second plan à droite et quelques arbres fermant l’horizon), rappelle l’exotisme de l’expédition. Des officiers à cheval semblent conduire un bataillon. Le visage de Bazaine, plein d’autorité, se détache à contre-jour sur un ciel clair.
INTERPRÉTATION
Beaucé, honorable peintre de batailles dans la veine d’Horace Vernet, exposa régulièrement au Salon de 1839 à 1868. Parmi les commandes que lui adressa l’administration du Second Empire pour le musée de Versailles figurent deux portraits : celui du maréchal comte d’Ornano, exposé au Salon de 1863, et celui de Bazaine, exposé au Salon de 1867, année où le maréchal revint du Mexique. On ne saurait oublier, à cet égard, que Le Fifre de Manet avait été refusé au Salon de 1866. Ces deux œuvres révèlent à l’évidence deux conceptions radicalement différentes de la peinture : pour Beaucé, il s’agit d’un exercice académique qui ne vise qu’à célébrer l’ordre établi au prix d’une simple illusion du vrai, alors que Manet, lui, cultive une approche résolument moderne du sujet et de sa représentation. Il est intéressant de constater combien la mimésis conventionnelle de Beaucé sert ici à maquiller, sous les apparences de l’autorité, l’échec de l’expédition du Mexique dont Bazaine avait été le commandant en chef.






L’HÔTEL DES INVALIDES !

                 L’HÔTEL DES INVALIDES                


CONTEXTE HISTORIQUE
Une pièce d’un programme iconographique politique

Voulue par Louis XIV, l’édification de l’hôtel des Invalides au sud-ouest de Paris est commandée par le ministre de la guerre Louvois et confiée à l’architecte Libéral Bruant en 1670. La construction dure plusieurs années. En avril 1674, le roi promulgue un édit fondant l’hôtel royal des Invalides « pour le logement, subsistance & entretenement [entretien] de tous les Officiers & Soldats de nos Troupes, qui ont esté & seront estropiez, ou qui ayant vieilli dans le service en icelles, ne seront plus capables de Nous en rendre ». Le lieu est conçu comme un véritable hospice pour des hommes ayant donné une partie de leur vie au service du royaume et de sa gloire militaire. Jules-Hardouin Mansart en exécute l’église, qui n’est inaugurée par le roi qu’en 1706 (le gros œuvre ayant été achevé en 1691).

Le peintre Pierre Dulin (1669-1748), élève de Charles Le Brun, reprend la même thématique que celle que son maître avait déjà utilisée pour célébrer l’édification de ce bâtiment au plafond de la galerie des Glaces (dans un ovale représentant la Piété entourée de soldats qu’elle récompense de ses bienfaits et accompagnée de Minerve). Il développe toutefois la scène et y mêle hommes et allégories. Il s’agit d’une huile sur toile peinte à une date incertaine – entre 1710 et 1715 – afin de servir de carton à une tapisserie réalisée dans l’atelier de haute lisse de La Tour entre 1716 et 1725. La tapisserie s’inscrit dans la continuité du cycle produit par la manufacture des Gobelins à partir de 1665 pour célébrer les hauts faits de Louis XIV (première pièce de la cinquième série de la tenture de l’Histoire du Roy). Pour donner une plus grande intensité à la scène représentée, Dulin imbrique plusieurs moments distincts : la présentation des plans au roi (1670), la construction du monument (1671-1706), l’accueil des premiers invalides (octobre 1674).


ANALYSE DES IMAGES
La fondation des Invalides bénie des dieux

Une scène centrale légèrement surélevée divise la toile en deux parties. À gauche, devant un groupe de cavaliers sur fond de campagne se détachent deux hommes en perruque. Il s’agit des deux architectes successifs, Libéral Bruand (à gauche) et Jules Hardouin-Mansart (à droite). À droite, un groupe de soldats et officiers blessés sont conduits par la Victoire ailée porteuse d’une couronne de laurier vers la scène centrale. À l’arrière-plan, l’hôtel royal est encore en construction, mais le dôme de l’église est achevé.

À la jonction de ces deux mondes, celui des soldats valides (la guerre), et celui des soldats estropiés (retour à la paix), un groupe de trois courtisans entoure le roi et le ministre de la guerre. Louvois, au centre exact de la toile, montre le plan des Invalides à Louis XIV, dont la grande taille, le port du chapeau et de la canne, le cordon de l’ordre du Saint-Esprit ainsi que la mise en lumière témoignent de sa souveraineté. Entre les courtisans en perruque et les cavaliers, les généraux victorieux Turenne et le prince de Condé semblent constituer un trait d’union symbolique entre la cour et la guerre.
Une déesse antique et trois allégories se mêlent aux hommes et montrent que l’entreprise royale bénéficie des auspices divins. Minerve, déesse casquée de la guerre et de l’intelligence, soutient l’entreprise de Louvois ; la Victoire mène les invalides ; la Renommée brandit l’oriflamme et sonne de la trompette dans un nuage qui sépare l’arrière-plan en deux ; la femme portant le plan est peut-être une allégorie de l’architecture.
INTERPRÉTATION
Louis XIV entre guerre et paix

La fondation de l’hôtel des Invalides correspond à la reconnaissance par le roi de la contribution des soldats à sa gloire militaire. La thématique de la sollicitude de Louis XIV envers ses soldats est courante dans l’iconographie du règne et vient contrebalancer l’image d’un roi avide de gloire personnelle et prompt à récompenser les seuls généraux. Louis XIV apparaît ici davantage encore en roi de paix soucieux de la réintégration des soldats invalides qu’en roi de guerre victorieux. Il illustre deux vertus, la charité et la justice, tout en contribuant indistinctement à son propre prestige et à celui de son royaume. L’image martiale du roi de guerre est ainsi détournée au profit d’une mise en scène délibérément plus positive du roi préoccupé par le sort de ses sujets.

Il faut prouver dix années de service pour accéder aux Invalides. La vie des quatre mille pensionnaires admis sur dossier y respecte l’ordre militaire et la rigueur religieuse. La place de l’église est au centre de l’ensemble architectural. On y distingue deux accès : intérieur pour les estropiés et extérieur pour le roi. Cette place caractérise les Invalides comme lieu de salut pour les soldats mais aussi pour le roi, afin de racheter leur sacrifice. En assurant une fin de vie décente à une partie (dérisoire il faut l’admettre…) de ses anciens soldats, le roi répond à un impératif social, alors que le poids de la guerre sur les populations est croissant.

Par la relégation physique à l’arrière-plan des généraux, aussi prestigieux fussent-ils (Condé et Turenne), au profit du ministre Louvois, l’artiste rend compte du passage d’un âge guerrier de l’héroïsme et de la bravoure au feu à un âge militaire dominé par la technique et logistique, et dirigé depuis les bureaux de Versailles.

LA DÉFAITE DE L'EMPIRE !

               LA DÉFAITE DE L'EMPIRE                


CONTEXTE HISTORIQUE
Fin mars 1814, la campagne de France et le Premier Empire tirent à leur fin. Fortes de 800 000 soldats européens, rejointes par le comte d’Artois et le duc d’Angoulême, les armées alliées marchent sur Paris. Après avoir forcé les barrières de Belleville, Pantin, Romainville, la butte Saint-Chaumont et le pont de Charenton, elles prennent sur la rive droite de la Seine la butte Montmartre. Le nord et le nord-ouest de l’enceinte de la capitale, de Clichy à Neuilly, sont protégés par 70 000 hommes de la garde nationale. Devant l’avancée des ennemis, le maréchal Moncey se porte à la barrière de Clichy. Pupilles de la garde, invalides, volontaires, ouvriers, citoyens, tirailleurs, élèves des Ecoles polytechnique et vétérinaire : les troupes de Moncey rassemblent 15 000 hommes. Horace Vernet, son frère Carle, les amis et membres des cercles bonapartistes, en font partie. Leur manque d’expérience des armes ne les empêche pas de résister vaillamment en défendant le poste de garde jusqu’à la proclamation de l’armistice. Le 30 mars 1814 avant l’aube, le rappel des tambours annonce l’ultime épisode héroïque de la défense de la dernière barrière, attaquée par le contingent russe.


ANALYSE DES IMAGES
Le commanditaire de cette toile est un certain Odiot, maître orfèvre de la cour impériale. Il y est représenté au centre, sur un plan rapproché, recevant les ordres du maréchal Moncey à cheval. Autour d’eux, dans la mêlée des gradés, on reconnaît des personnalités, tels Amédée Jaubert, interprète de l’Empereur en Egypte, Amable Girardin, le colonel Moncey, fils du maréchal.
Aidé par les gardes nationaux et les grenadiers de la garde impériale, le capitaine de chasseurs Emmanuel Dupaty ramène une pièce de canon abandonnée. Près de lui, devant à droite, le peintre Charlet amorce son fusil, tandis que continue le tir des autres canons. Blessé, Margariti le poêlier, soldat à Jemmapes, est mis en évidence.
A l’arrière-plan au-delà des barrières, dans la fumée et la poudre, le cabaret du père Lathuille sert de quartier général et offre le vin au maréchal et à ses hommes.

Devant à droite, deux pupilles de la garde blessés sont adossés à une palissade. La fracture du dragon est effrayante de vérité. Devant, une jeune femme, assise sur une malle, allaite son nouveau-né. Autour d’elle se trouvent des ustensiles domestiques et une chèvre attachée à la malle. Le matelas et les couvertures rappellent le sort des familles sans asile.
L’œuvre relate avec beaucoup de détails l’atmosphère de barricade. Les costumes et les uniformes bleus à épaulettes rouges changent sous l’effet de la lumière. Les expressions et les attitudes variées sont réussies et pleines de vérité. Les contrastes sont subtils. Le dessin du groupe de gardes est confus, ailleurs cependant il est fini et ferme. Les tons disparates mais subtilement associés amortissent la sensation de froideur du coloris.
INTERPRÉTATION
La Barrière de Clichy, qui a rendu son auteur célèbre, traduit le désespoir des troupes, leur dernier effort noble et courageux, mais trahi. La Bataille de Jemmapes d’Horace Vernet est son premier élan vers la gloire révolutionnaire. La Barrière de Clichy en est le dernier soupir. Expression de l’engagement personnel du peintre et souvenir d’un acte collectif, ce tableau est un manifeste de patriotisme qui élève l’échec de la campagne de France à un fait de guerre glorieux et hisse l’œuvre peinte au rang d’œuvre historique.

L’ÉCRASEMENT DE LA COMMUNE

        L’ÉCRASEMENT DE LA COMMUNE        


CONTEXTE HISTORIQUE
L’écrasement de la Commune 

Proclamée en mars 1871 dans la capitale assiégée par les troupes allemandes, la Commune de Paris est une tentative de gouvernement populaire autonome. Réfugié à Versailles, Thiers entend terrasser cette « République de Paris ». Le 21 mai 1871, les troupes versaillaises conduites par les généraux Mac-Mahon et Galliffet entrent dans la ville pour la reprendre aux insurgés. C’est le début de la « Semaine sanglante ».


ANALYSE DES IMAGES
Le peuple anonyme

Avec la touche pointilliste qui est alors la sienne, Luce représente une rue de Paris pendant la « Semaine sanglante », du 21 au 28 mai 1871, durant laquelle la sauvagerie versaillaise fit entre 10 000 et 20 000 victimes. Construit sur une oblique presque diagonale, le tableau montre les cadavres d’une femme du peuple et de fédérés – les soldats de la Commune identifiables à leur vareuse bleue et à leur pantalon à filet rouge – gisant sur la chaussée, près des pavés éboulés d’une barricade renversée qu’on devine dans le coin inférieur droit. Ceux-ci sont une métonymie de ces concrétions de la ville érigées à travers Paris, de part et d’autre desquelles ont lieu les combats.


Par sa conception, l’œuvre conduit le regard du spectateur vers ces corps anonymes dont le peintre a fait son véritable sujet. L’alignement des façades aux vitrines closes, frappées par la lumière, bloque l’espace et incite les yeux à se porter sur les cadavres allongés dans l’ombre. L’enchevêtrement inextricable oblige à détailler chaque individu aux postures différentes et aux visages souvent indistincts, plaqués au sol. Par ce dispositif, Luce fait de cette masse de victimes anonymes un raccourci du peuple de Paris massacré par les troupes versaillaises.
INTERPRÉTATION
L’hommage aux victimes

L’artiste libertaire qu’est Maximilien Luce (1858-1941) n’appartient pas à la génération des contemporains de la Commune. Cette peinture (et quelques autres portant sur cette période historique) est une image militante participant d’un culte de la mémoire de la Commune. Les taches de sang entourant les visages des cadavres pourraient d’ailleurs ressembler aux auréoles de martyrs (laïcs) « pourrissant au soleil de mai et de juin », selon Georges Bourgin, dans son Histoire de la Commune (1907). Cette œuvre rend en effet hommage aux morts de la Commune, alors que cet événement n’est pas reconnu par l’historiographie républicaine comme une révolution, mais considéré comme une simple « guerre civile ».