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vendredi 9 mars 2018

Histoire - LA GRANDE MADEMOISELLE !

    Histoire - LA GRANDE MADEMOISELLE    

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CONTEXTE HISTORIQUE

Un portrait allégorique

Les portraits d’Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, sont nombreux et les peintres qui se livrèrent à l’exercice sont parmi les portraitistes les plus en vogue à la cour (Jean Nocret, Louis-Ferdinand Elle, Pierre Mignard, atelier des frères Beaubrun). Actif à Paris de 1671 jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes en 1685, Pierre Bourguignon réalise de la princesse un portrait en divinité antique au début des années 1670 pour saisir les traits saillants de son modèle, cédant ainsi à la mode du portrait allégorique si bien illustré par la toile de Jean Nocret représentant en 1670 la famille royale en « travestis mythologiques ». Campée en Diane-Lune, la Grande Mademoiselle occupait d’ailleurs au sein de cette vaste composition une place de choix auprès du roi-Apollon-Soleil.
Pierre Bourguignon recentre l’attention sur la Grande Mademoiselle et sur sa filiation, utilisant des motifs récurrents dans l’iconologie propre à la princesse, à savoir l’adjonction du portrait ovale de son père Gaston d’Orléans au cœur de la toile et le port d’armes. Son œuvre lui sert de morceau de réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1672. De facture classique, l’œuvre fait la part belle aux drapés et au travestissement allégorique.

ANALYSE DES IMAGES

La princesse Minerve protectrice des arts

La figure de la Grande Mademoiselle se détache sur fond de lourde tenture bleue fleurdelisée galonnée d’or. Anne-Marie-Louise d’Orléans est ici travestie en Minerve, déesse de la guerre mais aussi de la ruse, de la sagesse et des arts. Elle porte un casque empanaché complété par une cuirasse recouverte d’une cape orange qui vient l’enrober jusqu’aux pieds. Assise avec majesté, elle regarde au-delà du champ de la composition, dans un ailleurs peuplé de rêves de grandeur inassouvis. Le bouclier aux armes de Méduse et la lance font le pendant guerrier des accessoires liés aux arts négligemment posés au sol : à gauche, des instruments de musique (c’est la Grande Mademoiselle qui a introduit Lully à la cour), à droite, des livres et un instrument de mesure géométrique devant un bas-relief antiquisant représentant L’Union de la Peinture et de la Sculpture réalisée par Jacques Buirette en 1663 pour sa réception à l’Académie.
De sa main droite, elle soutient un portrait ovale de son père Gaston d’Orléans, fils d’Henri IV et turbulent frère cadet de Louis XIII. Le prince est peint dans la fleur de l’âge, à une époque où il se faisait une spécialité de participer aux complots ourdis contre le cardinal de Richelieu (années 1620 et 1630 en particulier). Sa représentation en armure en fait un double des vertus guerrières de la Grande Mademoiselle. Il s’agit d’inscrire la princesse de Montpensier dans une filiation par le sang et par les valeurs défendues – la folle liberté des baroques décrite par Jean-Marie Constant et que la Fronde a donné l’occasion de vivre à la Grande Mademoiselle.

INTERPRÉTATION

Une petite-fille de France

Née en 1627, Anne-Marie-Louise d’Orléans est consciente et imbue de sa naissance. Petite-fille d’Henri IV, fille de Monsieur (Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII) et cousine germaine de Louis XIV, héritière immensément riche et titrée (la plus fortunée du royaume, voire d’Europe, disait-on), elle jouit d’une liberté peu commune dans la France du Grand Siècle. Femme forte et indépendante au destin romanesque, elle affirme son autorité tout en ne parvenant pas à ancrer sa propre existence dans une continuité dynastique puisqu’elle mourra en 1693 sans postérité. Le portrait de Pierre Bourguignon dit tout cela à la fois : l’attachement au sang de France tourné vers le passé et les attributs d’une majesté inaccessible (la guerre et le mécénat). La vie de mademoiselle de Montpensier relève par bien des aspects de l’exception, ainsi que le révèlent les titres spécialement créés à son intention (petite-fille de France, Grande Mademoiselle), et d’une geste héroïque rendue obsolète par la captation royale de la gloire sous le règne de son cousin Louis XIV. Minerve armée dans ses portraits des années 1660 et du début des années 1670, elle est Diane tournée vers le roi et dépendante de la lumière irradiée par le souverain dans la toile de Nocret déjà évoquée.
Impuissante à obtenir la main du roi, elle s’était investie en effet à corps perdu dans la Fronde jusqu’à soutenir par l’épreuve du feu le prince de Condé dans sa prise d’armes contre le pouvoir royal. Son engagement provoque son exil, imposé par Louis XIV jusqu’en 1657. À partir de cette date, elle mène une active vie curiale et montre une forte attirance pour les arts. Ses portraits peuvent être appréhendés comme autant d’entreprise de relégitimation de sa place à la cour. Elle entreprend par ailleurs de rédiger ses Mémoires, qui restent un témoignage appréciable de la vie de cour au XVIIe siècle. Sa malheureuse liaison tardive (à plus de quarante ans) avec le duc de Lauzun aboutit à sa conversion : la Grande Mademoiselle passe ses dernières années confite en dévotion. Sophie Vergnes résume ainsi sa vie : « La fille de Monsieur a donc payé du prix de la solitude ses richesses et son esprit d’insubordination. Elle n’a pas su concilier ses ambitions avec les réalités de sa condition féminine mais elle a toujours refusé que d’autres lui dictent son destin et su préserver jusque dans l’humiliation de la défaite son esprit d’indépendance, demeurant ainsi une frondeuse jusqu’après la Fronde. »

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