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mercredi 9 novembre 2016

LES DÉBUTS DE LA TERREUR !

             LES DÉBUTS DE LA TERREUR            



CONTEXTE HISTORIQUE
L’historiographie révolutionnaire, très développée au XIXe siècle bien qu’elle prît souvent la forme des opinions professées par ses auteurs, qu’ils soient de gauche (Michelet) ou de droite (Taine), passa rapidement dans l’iconographie sous forme d’événements extraits de leur contexte. Les sujets de Mademoiselle Cazotte et de la princesse de Lamballe en sont des exemples bien connus. Ils se situent au moment de la chute de la monarchie (10 août 1792) et des terribles massacres de septembre. Les élections à la Convention se sont soldées par la proclamation de la République, le 21 septembre, au lendemain de la victoire de Valmy. Le peuple de Paris poussait à la refonte totale des structures politiques de la France, accusant, non sans raison, la monarchie d’avoir profité de la guerre, pourtant déclarée par les Girondins : « Les imbéciles ! Ils ne voient pas que c’est nous servir », avait dit la reine.

Les deux événements représentés révèlent les graves tensions sociales de cette période, où les opposants à la Révolution et les aristocrates étaient accusés de tous les maux. Les massacres de septembre furent le point de départ de l’éradication de la noblesse en France. Ils anticipaient sur la Terreur, véritable lutte à outrance contre une noblesse ennemie de la Révolution. Les dérives en sont bien connues : ce furent en effet les sans-culottes qui payèrent le plus lourd tribut à la guillotine.
ANALYSE DES IMAGES
Elisabeth de Cazotte sauve la vie de son père à la prison de l’Abbaye de Claude-Noël Thévenin

Jacques Cazotte (1719-1792), littérateur préromantique maître du fantastique (Le Diable amoureux, 1772), était hostile à la Révolution. Enfermé à la prison de l’Abbaye à Paris, il évita de justesse l’exécution sommaire, grâce à l’intervention de sa fille qui accepta de boire du sang. Ce qui ne l’empêcha pas de mourir guillotiné deux jours après, officiellement condamné par le Tribunal révolutionnaire. La scène a été relatée en particulier par Gérard de Nerval dans Les Illuminés (1852). Mais le tableau est antérieur à cette publication. Thévenin oppose les figures lumineuses de Cazotte et de sa fille à celles de leurs bourreaux. L’œuvre se veut à la fois réaliste et religieuse, ainsi que le montre le regard tourné vers le ciel de l’écrivain. La mort en Dieu – la jeune fille apparaît comme l’image matérialisée de la pureté – arrête la main des assassins : l’hésitation des sans-culottes de droite s’oppose à l’ordre donné à gauche. La liaison entre les deux parties du tableau se fait autour du regard du vieillard qui entraîne la main d’un sans-culotte brisant l’élan d’une hache. Ce nœud de gestuelle et de regards est le dernier reste des registres de la peinture classique, registres qui partaient de la réalité située dans le bas des tableaux jusqu’au niveau divin situé dans le haut. Œuvre romantique, le tableau marque encore l’idée de la supériorité de Dieu sur la réalité.



Mort de la princesse de Lamballe de Léon-Maxime Faivre

Tout cela se trouve très estompé dans l’œuvre de Faivre, inspirée d’un passage de l’Histoire de la Révolution de Michelet, ainsi que le rappelle le livret du Salon de 1908. Le tableau représente une scène plutôt violente, alors que Michelet, très littéraire, ménage le peuple exécuteur, qu’il soutient, tout en magnifiant la princesse, « nue comme Dieu l’avait faite ». Faivre, simple illustrateur du texte de l’historien, accentue cependant le clivage entre les protagonistes, que Michelet au contraire s’applique à minimiser. Cette scène réaliste, objective, montre dans toute sa violence l’après-exécution, la foule assemblée autour du cadavre dévêtu ; ce n’est que dans le fond que surgissent les sabres des tortionnaires. Faivre évite soigneusement de montrer la décapitation elle-même, trop dure, et qui aurait dévalorisé le peuple dans son combat de justice. L’œuvre date de 1908, c’est-à-dire de l’époque de la république victorieuse. Si l’esprit diffère de Michelet à Faivre, c’est aussi que le premier est un romantique, tandis que Faivre est un homme de la démocratie capitaliste et du matérialisme triomphants. Pourtant, l’artiste oppose la pureté d’un corps de femme dévêtue (elle est nue dans l’esquisse du musée de Vizille) transcendée par la mort à la rusticité du petit peuple de Paris.
INTERPRÉTATION
Ces deux œuvres s’inspirent de drames vécus par des femmes lors des événements de septembre 1792. Mais ces femmes sont opposées à la Révolution. L’une passive, assassinée pour avoir été l’amie de la reine, l’autre, active, tentant de sauver son père dans une attitude empreinte d’honneur et de religiosité. Deux tableaux, deux époques. Si celui de Thévenin se présente de façon classique, mettant en lumière des héros transfigurés par l’amour filial alors qu’ils sont environnés de sans-culottes déchaînés, symboles de mort, celui de Faivre est totalement objectif dans sa représentation. S’il ménage un peuple prenant conscience de ses excès, il transfigure aussi la princesse de Lamballe, figure irradiée de lumière par la mort. Thévenin est sans doute critique à l’égard des révolutionnaires les plus durs parce que l’artiste réalise son œuvre sous Louis-Philippe, souverain du juste milieu. Avec Faivre, la République entame son autocritique : elle ne condamne pas le peuple, dont le combat est jugé légitime, mais elle observe ses excès et reconnaît ses erreurs. C’est le sens conféré par le peintre aux figures des poissardes et des enfants, ceux-ci symbolisant l’avenir. La démocratie ne peut se contenter de crimes, ce qu’exprime le geste accusateur de la vieille femme qui indique le corps nu de la princesse à un commissaire politique. La république ne peut se fonder sur l’assassinat. En ce sens, Thévenin et Faivre se rejoignent.


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